Sénégal: le Kankurang, un rite qui résiste encore au temps

Sénégal: le Kankurang, un rite qui résiste encore au temps

lundi, 2 septembre, 2019 à 17:44

Rachid Maboudi
Dakar – Le Kankurang, un rite pratiqué au Sénégal dans les régions mandingues à Mbour (ouest) et en Casamance (sud), consistant en un cérémonial traditionnel accompagnant les cérémonies de circoncision lors des mois d’août et septembre de chaque année, est une pratique qui consacre le brassage culturel et la richesse de l’héritage civilisationnel sénégalais.

Inscrit en 2008 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (originellement proclamé en 2005), le Kankurang serait issu du Komo, une société secrète de chasseurs dont l’organisation et les pratiques ésotériques ont contribué à l’émergence des Mandingues.

Le personnage central du Kankurang est un initié qui porte un masque fait d’écorce et de fibres rouges d’un arbre appelé faara. Vêtu de feuilles, son corps est peint de teintures végétales.

« Les enfants âgés de trois ans et plus seront amenés à l’hôpital pour leur circoncision. Ils seront ensuite mis dans une maison dans la brousse où ils séjourneront pendant une semaine. Les infirmiers feront le déplacement chez ces enfants jusqu’à leur guérison », raconte à la MAP Seydou, la cinquantaine, originaire de la Casamance.

“Le Kankurang c’est comme un gardien. C’est lui qui circule et fait des cris stridents pour chasser les mauvais esprits”, a-t-il dit.

Son apparition est marquée par une série d’étapes rituelles : la désignation de l’initié qui portera le masque et son investiture par les anciens, sa retraite dans la forêt avec les initiés, les veillées et processions dans le hameau des nouveaux initiés.

« Le Kankurang se veut une préparation des jeunes à la cohésion sociale, à la solidarité, à l’endurance et au respect de certaines valeurs fondamentales, notamment le droit d’aîné et le culte de l’ancien. Ce sont des principes forts qui sont inculqués aux jeunes à travers cette pratique », a affirmé de son côté le sociologue sénégalais, Djiby Diakhaté.

« Il s’agit en quelque sorte d’une manière de socialiser, forger la personnalité des jeunes garçons et leur permettre de faire face à certaines épreuves », a-t-il expliqué dans une déclaration similaire.

Selon cet enseignant chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, il sied de développer cette pratique en faisant preuve d’orthodoxie, car c’est un rite qui cherche en fin de compte à promouvoir la paix et la cohésion sociale, appelant dans ce sens « les anciens, qui sont les gardiens du temple, pour qu’ils fassent connaitre aux jeunes les vraies leçon de l’histoire ».

« Il faudrait aussi mettre en place une commission d’experts qui travaillerait sur cette pratique et qui pourrait consigner les principes forts du kankurang sous la forme d’un document qui pourrait vendre davantage cette activité et l’exporter vers d’autres cieux », a-t-il préconisé.

S’agissant de la perception que se font les Sénégalais de cette pratique, le sociologue sénégalais a assuré que pour ceux qui sont en contact avec ce rite, ils le considèrent comme positif, car étant orienté vers la socialisation et l’initiation des jeunes garçons.

D’ailleurs, a-t-il poursuivi, cette pratique tire ses racines d’une lointaine tradition qui a cherché à inculquer aux jeunes garçons des valeurs d’endurance et de persévérance devant les différentes épreuves et difficultés.

A l’opposé, a-t-il nuancé, pour beaucoup d’autres Sénégalais, le kankurang signifierait un « jeu dangereux » avec, parfois, des cas de décès et des dérapages.

C’est dire que la pratique, exercée en Gambie également, fait face de nos jours à plusieurs difficultés liées entre autres à l’urbanisation galopante de la plupart des régions du pays et à la réduction des surfaces des forêts sacrées, transformées en terres agricoles. Pour les détracteurs de cette pratique, le Kankurang est associé également à la violence lors des sorties de ce personnage.

C’est dans ce sens que le préfet du département de Mbour (ouest), Saër Ndao, présidant récemment une réunion de préparation des activités socioculturelles de la collectivité mandingue de Mbour, avait affirmé que “Kankourang ne rime pas avec violence, et c’est ce qu’il faut enlever de la tête des gens. Kankourang n’est pas forcément violence, ce sont des gens qui ont voulu le transformer en quelque chose de violent, ce que nous refusons”.

Du côté de la collectivité mandingue, la sauvegarde du patrimoine de leur communauté est fondée sur une éducation traditionnelle basée sur les valeurs morales et sociales, comme le respect de la hiérarchie et le sens de la solidarité.

“Le Kankourang, symbole du rite d’initiation mandingue élevé au rang de patrimoine culturel immatériel de l’humanité, ne mérite pas le sort qui lui a été réservé durant ces dernières années”, a regretté à cette occasion le secrétaire général adjoint de cette collectivité, Kadialy Seydi.

Devenu un phénomène transculturel qui intègre plusieurs communautés ethniques, le kankurang sera, ainsi, encore une fois cette année sous les feux de la rampe, traduisant l’originalité et l’authenticité du patrimoine immatériel du pays de la Téranga.

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