Le Paraguay, cette « île entourée de terres »
– Rachid MAMOUNI –
Asuncion – Le célèbre écrivain et journaliste paraguayen, Augusto Roa Bastos – Prix Cervantes de 1989 – ne croyait pas si bien dire en comparant son pays natal à une « île entourée de terres ».
Le contraste de cette expression est aussi énigmatique que mystérieux, mais il a le mérite de dissiper les difficultés de comprendre « l’inconnue paraguayenne » aux yeux des étrangers, notamment les non latino-américains.
En effet, ce pays est une enclavé de 406 mille km2 coincée entre le géant brésilien au nord et à l’est, la Bolivie au nord-ouest et l’Argentine au sud.
Vu du ciel, le pays est une immense étendue verte qui dort sur l’une des réserves d’eau douce les plus importantes du monde. Il est parcouru du nord au sud par deux fleuves. Le premier donne son nom au pays, le Paraguay, le deuxième est le Parana.
Pour ce pays privé de littoral, ces deux fleuves jouent un rôle vital pour une économie basée sur l’agriculture et l’élevage et pour le commerce avec l’extérieur.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la distance qui sépare le Paraguay du littoral le plus proche (à 1300 km de Sao Paolo au Brésil), n’a pas empêché ce pays de se doter de la troisième flotte commerciale la plus importante au monde, après les Etats-Unis et la Chine.
Ainsi, l’aphorisme d’une « île entourée de terres » n’a jamais été aussi proche de la réalité. Seule une flotte (fluviale) de cette amplitude est en mesure de connecter une île – supposée être isolée – au monde, à travers les fleuves Paraguay et Parana, qui serpente à travers 2600 km (dans sa section Paraguay-Argentine) jusqu’à son embouchure près de Buenos Aires, sur l’Océan Atlantique.
C’est cette flotte qui permet aux principaux produits d’exportation du Paraguay (notamment les viandes) de parvenir à des pays aussi lointains que l’Irak, l’Albanie, le Ghana, le Mozambique ou l’Angola, qui importent ensemble 75% de la viande de volaille du Paraguay.
La viande bovine du Paraguay est réputée pour sa grande qualité sur les marchés mondiaux, qu’elle soit fraîche ou congelée, désossée ou non, les ventes de viande bovine de ce pays frôlent les 800 millions de dollars. Le cheptel bovin place le Paraguay dans le top 6 mondial des exportateurs de viande.
Ce pays à forte vocation agricole, grâce à un sol fertile et une eau abondante, est aussi un grand producteur de soja, dont les exportations ont atteint 2,9 milliards de dollars.
Le Paraguay est également un exportateur net d’électricité hydroélectrique. Outre son statut de frontière naturelle avec l’Argentine et de source de vie pour une bonne partie du territoire paraguayen, le fleuve Parana est source d’alimentation du plus grand barrage au monde partagé avec le Brésil.
L’électricité produite par le barrage binational d’Itaipu, qui s’étire sur 7200 m de long et dont le réservoir s’étend sur 1350 km2, a rapporté aux caisses de l’Etat 1,6 milliard de dollars.
Grâce à l’ensemble de ces atouts naturels, le Produit intérieur brut du Paraguay a enregistré en 2023 une croissance de 5,4 % et le gouvernement table sur une croissance de 3,8 % cette année.
Le sentiment insulaire des Paraguayens trouverait, selon certains, son origine dans l’histoire mouvementée du pays. Au cours des 160 dernières années, le Paraguay a dû faire face à deux guerres dévastatrices dont les séquelles se font sentir jusqu’à présent.
En 1864, la jeune nation est entrée en guerre contre la « Triple Alliance » composée du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay. Ce conflit qui a duré six ans a laissé une blessure béante chez les Paraguayens. Outre ses 300 mille morts côté paraguayen (60% de la population de l’époque), le pays a été occupé militairement pendant six autres années par l’armée brésilienne et amputé de 40% de son territoire au profit du Brésil et de l’Argentine.
Environ 90% de la population masculine adulte a été décimée par les combats ou à cause de maladies. Les chroniqueurs de l’époque racontent que la guerre a provoqué un désastre démographique tel que le développement du pays a été sérieusement retardé, puisque pendant longtemps, il y avait quatre femmes pour un homme dans le pays (et dans certaines régions, 20 femmes pour un homme).
A peine relevé de ce cataclysme économique (à cause des indemnités de la guerre payées aux vainqueurs) et démographique, le Paraguay sera dévasté par une nouvelle guerre contre la Bolivie à partir de 1933. A la fin de la « Guerre du Chaco », le pays a dû renoncer à 110 mille km2 du territoire en litige au profit de la Bolivie et déplora 35 mille morts, entre militaires et civils.
Après ces deux guerres mortifères avec tous ses pays voisins, et leurs conséquences humaines et économiques, l’imaginaire collectif a fini de dessiner les contours de « l’île » Paraguay, définitivement.
Roa Bastos qui était, dès 1933 et malgré ses 15 ans, aux premières loges lors de la « guerre du Chaco » en tant qu’aide-soignant, a su interpréter le sens de ces contours qui maintiennent son pays à l’écart de son environnement.
Outre cet isolement géographique, le magicien des lettres paraguayen Roa Bastos détecte un isolement linguistique chez ses compatriotes, dont l’écrasante majorité parle le guarani, une langue indigène érigée en langue officielle du pays depuis 1967. Immergé dans un océan hispano-lusophone, le Paraguay constitue une exception linguistique en Amérique latine.
Toutefois, le président paraguayen Santiago Pena avait proclamé en septembre dernier à la tribune des Nations Unies que son pays était « déterminé à se détacher de son ancienne image d’île entourée de terres », et voudrait devenir une plaque tournante logistique du continent américain.
Le Paraguay « est un fournisseur mondial de produits alimentaires » et « l’un des rares pays capables de produire de la nourriture pour sa population (de 6 millions) et pour plus de 100 millions de personnes dans le monde », avait-il proclamé.
Son ambition affichée est de devenir le centre logistique du corridor routier bi-océanique qui relie les océans Pacifique et Atlantique. Conjugué à la voie fluviale du Parana, ce corridor pourrait former un « réseau multimodal » de transport de produits agricole et minier vers les ports du Pacifique et de l’Atlantique et enterrer, peut-être, définitivement le sentiment insulaire des Paraguayens.
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