Le Parlement européen vote une résolution d’urgence sur la détérioration des libertés en Algérie
Bruxelles – Le Parlement européen réuni en plénière à Bruxelles a adopté, jeudi en début de soirée, une résolution d’urgence dénonçant la détérioration des libertés en Algérie.
C’est la deuxième fois en un an qu’une résolution du Parlement européen est adoptée en urgence pour appeler l’Algérie à respecter les droits de l’homme et mettre à témoin la communauté internationale sur la situation grave des libertés dans ce pays.
La résolution adoptée par 669 députés pour et seulement 3 députés contre, soit la quasi totalité des membres du Parlement européen, condamne la répression des activistes des droits de l’homme et des journalistes et dénonce le tour de vis sécuritaire sur les libertés.
Rappelant la résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur la situation des libertés et celle du 30 avril 2015 sur l’incarcération de militants des droits de l’homme et des travailleurs dans ce pays, ainsi le rapport annuel de l’Union européenne sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde, publié le 15 juin 2020, le texte adopté aujourd’hui souligne que les arrestations politiques et les détentions arbitraires de militants pacifiques issus du Hirak et de syndicats, ainsi que de journalistes, ont augmenté depuis l’été 2019, en violation des droits fondamentaux à un procès équitable et à une application régulière de la loi.
Les eurodéputés estiment également dans cette résolution que «la censure, les procès et les lourdes sanctions à l’encontre de médias indépendants, souvent accusés de comploter avec des puissances étrangères contre la sécurité nationale, continuent de s’aggraver» et que «les restrictions en matière de sécurité instaurées pour lutter contre la pandémie de COVID-19 ont contribué à renforcer les contrôles et sont utilisées par les autorités pour restreindre davantage l’espace civique, limiter la dissidence pacifique et entraver la liberté d’expression».
La résolution s’inquiète également, dans le contexte actuel de répression en Algérie, «de cas de torture dans les commissariats de police et à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Alger, comme à l’encontre du prisonnier Walid Nekkiche ».
Elle évoque dans ce même contexte l’incarcération arbitraire du journaliste Khaled Drareni pour le seul motif d’avoir couvert les manifestations liées au Hirak.
Les députés européens affirment que depuis que les manifestations du Hirak se poursuivent en ligne pour freiner la propagation de la COVID-19, les restrictions à la liberté d’expression et les contraintes imposées aux journalistes ont été renforcées, notamment par le blocage de sites internet, la censure de programmes télévisés, ainsi que la détention et le harcèlement de journalistes, de responsables de médias et de manifestants exprimant leur point de vue sur les réseaux sociaux, et la fermeture de sites web d’information.
La résolution estime que, “dans le contexte du rétrécissement brutal de l’espace dévolu à la société civile, les autorités algériennes font avancer un processus de révision constitutionnelle dicté par le gouvernement, prétendument dans le cadre de l’engagement pris par le président Tebboune lors de son investiture de construire une nouvelle Algérie en réaction aux manifestations du Hirak, alors que ce processus est loin de compter sur un soutien massif de la société algérienne et est critiqué par des organisations de la société civile indépendantes comme enfreignant les normes internationales en matière d’ouverture, de participation, de transparence et de souveraineté des processus constitutifs”, notant que “les arrestations massives de militants de la société civile et de journalistes menées en parallèle ont ôté à ce processus de révision constitutionnelle toute légitimité aux yeux du public”.
Dans leur résolution, les députés européens condamnent «fermement l’escalade des arrestations et détentions illégales et arbitraires et le harcèlement juridique dont sont victimes les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les syndicalistes, les avocats, les membres de la société civile et les militants pacifiques en Algérie, qui ferme toute possibilité de dialogue politique sur la révision constitutionnelle non démocratique et entrave l’exercice des libertés d’expression, de réunion et d’association ».
Ils dénoncent «le recours à l’introduction de mesures d’urgence dans le contexte de la pandémie de COVID-19 comme prétexte pour restreindre les droits fondamentaux du peuple algérien ».
Le Parlement européen appelle dans sa résolution «les autorités algériennes à remettre immédiatement en liberté, sans conditions, le journaliste Mohamed Khaled Drareni et tous ceux qui ont été détenus et inculpés pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, que ce soit en ligne ou hors ligne, et à la liberté de réunion et d’association».
La résolution invite les autorités algériennes à «déverrouiller les médias et à mettre fin à toute arrestation ou détention de militants politiques, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme ou de personnes qui expriment une opinion dissidente ou critique à l’égard du gouvernement».
Elle invite une nouvelle fois les autorités algériennes à “mettre fin à toutes les formes d’intimidation, de harcèlement judiciaire, de criminalisation et d’arrestation ou de détention arbitraires à l’encontre des journalistes qui critiquent le gouvernement, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’homme, des avocats et des militants”; les invite une nouvelle fois “à prendre les mesures qui s’imposent pour assurer et garantir à tous le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, la liberté des médias, la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyances et libertés”.
La résolution condamne également “toute forme de recours excessif à la force par les membres des forces de l’ordre lorsqu’ils dispersent des manifestations pacifiques”. Elle invite instamment les autorités algériennes “à garantir l’existence d’un espace de liberté dévolu à la société civile qui permette la tenue d’un authentique dialogue politique et ne criminalise pas les libertés fondamentales”.
Elle “déplore la modification apportée au code pénal algérien en avril 2020 qui restreint la liberté de la presse, la liberté d’expression et la liberté d’association” et invite les autorités algériennes “à garantir à la fois une pleine reddition de comptes et un contrôle démocratique et civil des forces armées, ainsi que la subordination effective de ces dernières à une autorité civile légalement constituée, et à faire en sorte que le rôle de l’armée soit correctement défini dans la Constitution et explicitement limité aux questions touchant à la défense nationale”.
La résolution invite instamment les autorités algériennes “à autoriser l’entrée dans le pays des organisations internationales des droits de l’homme et des titulaires de mandat au titre de procédures spéciales des Nations unies”.
Elle exprime la préoccupation des députés européens par “les tracasseries administratives que connaissent les minorités religieuses dans ce pays et demande le respect de la liberté de culte de toutes les minorités religieuses”.
La résolution attend de l’Union européenne qu’elle place la situation en matière de droits de l’homme au cœur de son dialogue avec les autorités algériennes et demande au Service européen pour l’action extérieure (SEAE) d’élaborer et de dresser une liste de cas particuliers singulièrement préoccupants et de rendre régulièrement compte au Parlement des progrès accomplis en vue d’y apporter une solution.
Elle demande également au SEAE, à la Commission européenne et aux États membres de “se montrer publiquement plus fermes au sujet du respect des droits de l’homme et de l’état de droit en Algérie, en condamnant, sans ambiguïtés et de manière publique, les atteintes aux droits de l’homme, en invitant instamment les autorités à remettre en liberté les victimes de détentions arbitraires et à cesser de recourir de manière excessive à la détention provisoire, en demandant à avoir accès aux détenus et en observant les procès de militants, de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, ainsi qu’en suivant de près la situation en matière de droits de l’homme en Algérie par tous les moyens disponibles”.
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