Droits de l’homme: Cinq questions au président de la CRDH Fès-Meknès
Fès – La Commission régionale des droits de l’homme (CRDH) Fès-Meknès vient d’être installée dans ses fonctions. Elle est l’une des treize commissions régionales relevant du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), conformément au Dahir 1-11-19 du 1-er mars 2011.
Le président de la CRDH Fès-Meknès, Abderrahmane Lamrani, passe en revue, dans un entretien à la MAP, les missions, les rôles et l’action de terrain de sa Commission.
1- Les membres de la CRDH viennent d’être installés dans leurs fonctions. En quoi consiste la mission de cette commission dans la promotion des droits de l’homme au Maroc et dans la région, en particulier ?
La commission, qui vient de parachever ses structures en installant ses membres par la présidente du CNDH, puise ses missions, à l’instar des autres CRDH, de la loi 76/15 et du règlement intérieur qui définit les prérogatives des commissions régionales.
La CRDH veille, entre autres, à l’observation, à la surveillance et au suivi de la situation des droits de l’Homme dans la région, ainsi qu’à la réception et l’instruction des plaintes et doléances des citoyens en rapport avec l’éventuelle atteinte de leurs droits. Globalement, la CRDH assure trois missions principales désignées par le triple P (Prévention-Protection-Promotion).
En matière de protection, il s’agit notamment d’observer, de surveiller et de suivre les problématiques et doléances en lien avec les droits de l’homme, effectuer des visites dans les lieux de détention et les établissements pénitentiaires et de procéder aux enquêtes et investigations nécessaires au sujet de potentielles violations des droits de l’Homme. Cette mission est au cœur de l’action de la CRDH.
Le deuxième aspect de notre action concerne la prévention. La CRDH intervient sur deux niveaux : Ou bien elle est saisie pour statuer ou jouer un rôle de médiateur dans des conflits ou tensions sociales déterminées dans les neuf préfectures de la région, ou bien elle intervient par auto saisine si elle constate une forme de tension sociale qui pourrait induire à une situation dans laquelle il pourrait y avoir des violations de droits de l’homme.
Ce volet est très important, car il s’attaque à l’amont des problématiques de droits de l’homme.
La troisième mission touche à la promotion. Il est à ce sujet question de développer et vulgariser la culture des droits de l’homme dans les différentes institutions, à travers des activités, des partenariats et des conventions. L’objectif est de s’assurer que les droits de l’homme soient présents chez les différents acteurs de la société pour promouvoir la pratique des droits de l’homme dans la région et dans le pays.
Fès constitue à cet effet ‘’un laboratoire social’’ et renferme une dynamique dans les domaines de la vie associative, des droits de l’homme, des jeunes et des femmes, ce qui facilite en quelque sorte la mission de la CRDH, qui peut s’appuyer sur plusieurs partenaires pour promouvoir les droits de l’homme. Ces actions se concrétisent notamment par le biais de l’autonomisation ou de l’organisation de sessions de formation destinées aux personnes chargées de mettre en œuvre les lois.
2- Quel rôle pourrait jouer la CRDH dans le suivi des politiques publiques ?
Aux missions précédentes, une autre assurée désormais par la CRDH concerne le suivi des politiques publiques dans l’aspect lié aux droits de l’homme. Le but est de garantir l’effectivité des droits. Il s’agit, en effet, de contribuer à combler le gap qui pourrait apparaitre entre les politiques et la pratique, à travers le suivi, l’accompagnement et la production d’avis.
C’est une mission essentielle pour notre région, qui a connu une certaine accumulation de questions économiques et sociales. Dans la cadre de notre plan stratégique pour les prochaines années, nous avons défini à cet égard trois secteurs essentiels pour la région, que nous suivrons de près, en concertation et en collaboration avec les élus, les autorités locales, la région, les services extérieurs et autres partenaires, à savoir la santé, l’enseignement et l’emploi.
3- La CRDH dispose-t-elle des prérogatives et des moyens nécessaires à même de garantir le contrôle d’éventuelles violations des droits de l’Homme, la vérification de la véracité des allégations et l’intervention en urgence pour fournir la protection nécessaire aux victimes ?
La loi confère d’importantes prérogatives aux CRDH, qui sont la déclinaison territoriale du CNDH. Le choix de l’élément humain s’avère primordiale pour assurer nos missions.
La CRDH se compose de 21 membres (y compris le président), dont 14 sont proposés par le président de la CRDH et approuvés par la présidence du CNDH. Les six autres représentent les différentes instances professionnelles.
Outre leur rôle représentatif, ces membres constituent des outils de travail, en ce sens qu’ils ont une présence et un ancrage, chacun dans son milieu socio-professionnel respectif. Cela donne une certaine visibilité au travail de la Commission.
Dans notre choix, nous avons tenu à respecter le pluralisme des courants et disciplines et à faire appel aux compétences qui travaillent sur le terrain (médecins, avocats, acteurs associatifs, académiciens…). Compétence et présence sur le terrain sont les maitres-mots.
Nous comptons beaucoup sur les compétences et le dynamisme des membres pour avoir de l’impact sur le terrain dans les neuf provinces que compte la région.
Nous avons aussi tenu à respecter la parité au sein de la CRDH et veiller à ce que la présence des femmes soit importante, étant donné qu’une bonne partie des questions liées aux droits de l’homme touchent directement aux femmes.
4- La crise sanitaire que nous traversons a mis en lumière la centralité de l’humain dans toute politique de développement. Quelle contribution la CRDH pourrait-elle apporter à cet effet ?
Cette crise a levé le voile sur l’ampleur des déficits dans les secteurs sociaux, celui de la santé en particulier. Dans le cadre de notre plan d’action, nous avons vu juste en identifiant la santé parmi nos priorités. Nous œuvrerons dans le cadre du suivi des politiques publiques à ce que la santé soit érigée en tête de notre action.
Concrètement, nous avons attiré l’attention des autorités publiques à la situation de certaines catégories précaires, notamment les enfants de la rue et les migrants subsahariens, davantage exposés à une infection au Covid19. Les autorités ont répondu positivement et nous avons trouvé ensemble des solutions.
Notre mission consiste avant tout d’attirer l’attention, d’assurer le suivi et l’accompagnement et de s’imposer en tant que force de proposition.
Cette crise -mais aussi ce que nous avions déjà constaté en termes de retard de développement dans certains domaines dans la région- nous a donné des leçons pour faire de la santé, de l’enseignement et de l’emploi nos priorités absolues.
5 – La communication demeure cruciale pour écouter le citoyen et diffuser la culture des droits de l’homme. Comment la CRDH envisage-t-elle expliquer son action ?
Depuis la constitutionnalisation du CNDH en 2011 et la création des CRDH, ces commissions ont acquis une certaine visibilité, contrairement à ce que pourraient penser certains.
Nous accueillons des gens de toutes les couches sociales, qui viennent déposer leurs dossiers et exposer leurs doléances. Le cumul de ces dernières années a constitué un véritable levier de communication.
Outre la communication institutionnelle, à travers notamment notre site internet, nous considérons que les membres de la Commission jouent un rôle essentiel dans la communication, à travers leur présence sur le terrain.
Nous misons aussi sur les nombreux partenariats que nous avons noués avec différentes institutions (Académie régionale d’éducation et de formation, société civile, université…) pour assurer la prévention, la protection et la promotion des droits de l’homme.
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