Le discours politique au Maroc : entre l’acteur politique et l’académicien, à chacun son approche (rencontre)
Rabat – La rencontre organisée jeudi à Rabat par le Cercle de la presse de l’Agence Maghreb Arabe Presse (MAP) sur “le discours politique actuel : diagnostic et regard prospectif”, a révélé que l’acteur politique et l’académicien, en observateur et analyste qu’il est, appréhendent le discours politique actuel au Maroc chacun à sa façon, selon différentes approches.
Les débats, animés par des universitaires et acteurs politiques, ont en effet mis en évidence la divergence quant à l’approche adoptée par les deux parties en la matière, quoiqu’elles s’accordent sur le fait que le discours politique actuel au Maroc et en crise à plus d’un niveau.
Pour l’académicien Miloud Belkadi, le discours actuel reflète le niveau de la scène politique, faisant état de la crise qui mine ce discours dès lors que l’acteur politique, au lieu d’un acte institutionnel, en a fait une pratique individuelle pour servir la propagande politique.
“Les leaders des partis politiques reviennent-ils à leurs institutions partisanes avant chacune de leurs allocutions ?”, s’est interrogé l’expert en communication politique, relevant qu’il n’y a pas de discours politique distingué sans une culture et une éducation politique et que le discours constitue pour l’acteur politique l’unique canal de communication avec l’autre et donc “une arme qui lui assure succès autant qu’il sait s’en servir”.
De son côté, Bilal Talidi, du Parti justice et développement (PJD), considère que le discours politique actuel au Maroc a ses caractéristiques positives et négatives et qu’il ne souffre nullement d’une “dégradation” de son contenu, notant que plusieurs termes idéologiques ne sont plus d’usage de la même fréquence que par le passé et que le discours actuel est désormais fondé sur la logique de la politique publique, donc sur des chiffres et des indicateurs, aussi bien pour la majorité que pour l’opposition.
Le discours politique a ainsi réalisé une avancée remarquable, a-t-il estimé, soulignant que l’élite politique a plutôt tendance au respect des dispositions de la Constitution dans son discours, surtout après l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale, et que les partis politiques cherchent constamment à opter pour des discours sur fond de la mise en oeuvre des réformes.
M. Talidi a, par ailleurs, relevé le recours par les acteurs politiques à la simplicité dans leurs discours afin d’être en symbiose avec les citoyens, mettant cependant en garde contre le populisme qu’il définit comme étant un discours émotionnellement acceptable mais irréaliste sur le terrain, et contre la pratique d’une politique “à tendance syndicale”.
Pour sa part, Abdelwahab Rami, professeur à l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC), s’est arrêté sur ce qu’il décrit comme “érosion de la crédibilité de l’action politique et de l’action des partis”, déplorant le manque d’engagement de l’acteur politique sur la base de la représentation de masse, ainsi que l’existence d’une crise dans la production d’un vocabulaire politique, du côté de l’opposition en particulier.
Il a également fait observer que le discours politique actuel au Maroc se caractérise par “le fossé qui sépare le discours de l’action et l’anticipation des attentes des citoyens sans avoir les outils d’y répondre”, expliquant la différence entre le discours qui mène au pouvoir et qui stabilise dans le pouvoir.
M. Rami a ainsi prôné la réévaluation de l’action politique au Maroc à travers l’action, la construction et la réalisation sur la base de la récompense et la moralisation du discours politique par l’éducation au sein des partis, faisant état de l’existence de trois types de discours politiques : le premier axé sur l’idéologie, le deuxième sur l’action politique et le troisième sur la politique sans paris politiques.
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