Bernard Lavilliers, le voyageur éternel qui incarne l’esprit de Mawazine, “les rythmes du monde”
Par Amal TAZI
Rabat- Pour sa première participation à Mawazine, le chanteur français engagé Bernard Lavilliers ou l’éternel voyageur en quête de nouveaux sons pour enrichir son répertoire de musique métisse aura marqué à jamais l’histoire du festival avec un concert exceptionnel, mardi soir au Théâtre national Mohammed V, incarnant l’esprit de cette manifestation mondiale, “les rythmes du monde”.
Avec son charisme, sa voix et sa maîtrise des instruments de musiques, notamment la guitare, Bernard Lavilliers a enchanté le public qui s’est laissé transporté dans son univers musical, une invite à faire le tour du monde à travers la fusion de différents styles (chanson française, rock, salsa, reggae, bossa-nova), fruit de ses diverses influences, principalement américano-latine et africaine.
Chantant seul aux rythmes de sa guitare, ou accompagné de son groupe aux rythmes d’une panoplie d’instruments représentatifs de cette diversité musicale (saxophone, batterie, violon, violoncelle, percussion, orgue), le chanteur français a séduit aussi bien par la magie de sa musique, à la fois joyeuse et mélancolique, que par les messages forts livrés à travers ses chansons, dénonçant le racisme, la misère, les guerres et toutes sortes d’injustice.
Présentant devant une salle comble son tube “C’est une ville que je connais”, il a affirmé sa détermination à “continuer à chanter contre la dictature et le racisme parce qu’à chaque fois il y a une crise, il faut qu’il y ait un bouc émissaire”, en allusion aux inquiétudes suscitées par la montée de l’extrême droite en France, sur fond du score record du Front national de Marine Le Pen lors des élections européennes.
Après avoir navigué entre les grands succès de ses débuts et ceux de ses derniers albums (“Y’ a pas qu’à New York”, “Rest’ Là Maloya”, “Betty”, “Pigalle La Blanche” ), le spectacle a atteint son paroxysme avec la chanson “Main d’or” qui devait être la dernière de la soirée mais les acclamations du public, totalement conquis et en transe, l’ont fait revenir à trois reprises pour enchaîner avec d’autres titres à grand succès : “On the road again”, “Melody” et “Vivre encore”.
Certains de ces titres figurent sur son dernier album “Barons samedi” dédié au peuple de Haïti et sa formidable lutte pour la survie après le terrible tremblement de terre qui a anéanti le pays en moins de quarante secondes, avait-il confié au cours d’une conférence de presse avant le concert.
“Je n’ai pas voulu faire de chansons misérabilistes, je me suis intéressé à la survie”, avait-il expliqué, soulignant à cet égard que dans sa musique il “raconte la vie”. Ainsi quand il s’intéresse par exemple à la drogue, c’est pour décrire “l’enfer et pas le paradis” que d’aucuns cherchent à vanter, sans prendre la mesure de la gravité du message véhiculé.
Durant sa carrière, le chanteur fait plusieurs références à la drogue, comme dans les chansons Berceuse pour une shootée et Sax’Aphone, où il fait alors allusion à la “dope”, à l’héroïne, à la cocaïne, au cannabis, ainsi qu’aux effets ou à l’ambiance autour de ces substances psychoactives.
Né en 1946 à Saint-Etienne (France), Bernard Lavilliers est un rebelle au grand cœur qui erre depuis l’âge de 19 ans à travers le monde. Brésil, New York, Jamaïque, Sénégal, Congo, cet artiste s’imprègne des lieux et du peuple.
Dans ses textes, il dénonce et accuse avec poésie et acidité. Depuis son 1er album Les poètes en 1972, Bernard Lavilliers ne cesse d’écrire des succès: “Le Stéphanois”, “Les Barbares”, “15e Round”, “On the road again”, “Can’t stand the ghetto” ou encore “La salsa” rencontrent toujours leurs publics.
Ses derniers albums “Causes perdues et musiques tropicales” (2010) ou encore “Baron samedi” 2013) témoignent d’un beau mélange du personnage: un solitaire marginal et utopiste qui défile avec le peuple.
Pendant neuf jours, cette 13ème édition de Mawazine, placée sous le haut patronage de SM le Roi Mohammed VI et organisée par l’association Maroc-Cultures, rassemble pas moins de 1.500 artistes, dont de grands noms de la scène marocaine et panarabe, des stars de renommée internationale et des interprètes reconnus des principales traditions musicales de la planète, autour d’un seul mot d’ordre : “Nos différences nous ont réunis”.
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