Un marocain à Vienne
Rachid Sami
Vienne – Pour le moment, et peut-être pour longtemps à l’avenir, les marocains établis en Autriche, sont très rares et facilement ”recensables”. Pouvoir serrer la main d’un marocain relève, en effet, de l’improbable. C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
Selon les estimations, le nombre des marocains établis au pays de la valse ne dépasse même pas les 2.000 personnes, et qui plus est, sont dispersés un peu partout sur le territoire autrichien. Cela dit, même s’ils sont peu nombreux, les marocains existent et font honneur au pays par les fonctions qu’ils occupent et les affaires qu’ils gèrent.
C’est le cas notamment de Mohamed Khaider, un banquier qui exerce des responsabilités de manager au sein du premier groupe bancaire autrichien, de Khammar Mrabit, un expert nucléaire à la tête de la direction de la Sécurité Nucléaire à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) ou encore Abdelhamid Lahmami qui dirige une société de sous-traitance dans le domaine de l’industrie métallurgique.
Ce Casablancais qui est venu en Autriche dans les années 90, à une époque où le nombre des marocains ne dépassait même pas les 200 expatriés, œuvre depuis des années à fédérer les énergies en faveur de la promotion des relations bilatérales entre le Maroc et l’Autriche qui remontent à plus de deux siècles.
Ainsi, il a dans un premier temps contribué à la création en 2011 d’une association baptisée ”Union d’Amitié des Marocains en Autriche”, avant de prendre part deux années plus tard à la naissance d’une autre association pour le développement du partenariat entre le Maroc et l’Autriche ”?sterreichisch-Marokkanische Gesellschaft”, laquelle rassemble des marocains résidant en Autriche et des acteurs politiques autrichiens sous la présidence de Heinrich Neisser, Universitaire et ancien ministre.
Cette jeune Association a déjà à son actif plusieurs manifestations, notamment l’organisation de visites bilatérales, une manifestation contre le racisme ou encore une exposition itinérante à Rabat et à Vienne réunissant des artistes marocaines et autrichiennes.
Cela dit, si les Marocains restent pour le moment très minoritaires en nombre, il existe d’autres communautés de confession musulmane bien visibles et représentant une grande frange des immigrés en Autriche aux côtés de différentes autres nationalités représentant des expatriés en provenance des nouveaux pays membres de l’Union Européenne.
En haut du tableau, les Turcs, les égyptiens et les Asiatiques dont la grande majorité sont actifs dans le secteur des services, du transport, les travaux publics et principalement la restauration rapide.
Partout dans Vienne, ils tiennent des gargotes prisées tant des immigrés que des autrichiens. Des lieux de restauration conçus sous forme d’un kiosque le long des boulevards et qui restent ouverts jusqu’à des heures très tardives de la nuit, voire jusqu’à la levée du jour. Et pour cause, Vienne est une ville qui ne dort jamais, très animée de jour comme de nuit. A regarder les gens se balader en toute heure de la nuit, on dirait presque qu’elles font leur promenade matinale. Des nuits blanches dans l’insouciance totale puisque la sécurité des personnes et des biens en Autriche est assurée à 100 pc. Ici, le délit d’agression sur la voie publique n’existe peut-être pas dans le code pénal !.
Tout est sous contrôle. Un ordre parfait et une vie réglée comme du papier à musique. Et c’est ce qui explique, du moins en partie, l’attitude ”méfiante” des autrichiens envers les étrangers. Peu démonstratifs, hermétiquement fermés, ne donnant toutefois aucun signe extérieur d’hostilité ou encore moins de rejet.
M. Khaider, le plus viennois des marocains qui réside depuis plus de 30 ans en Autriche où il a débarqué avec seulement dans ses bagages une licence en Sociologie, explique cela par une crainte légitime que l’étranger ne vienne perturber cet ordre. Mais une fois qu’ils se rendent compte de sa bonne conduite et son respect des codes en vigueur dans tous les domaines de la vie, la méfiance se dissipe immédiatement et l’étranger devient un ami et plus si affinités.
D’ailleurs, le taux de naturalisation des demandeurs de la nationalité autrichienne est ici parmi les plus importants en Europe et ce, malgré la poussée ces dernières années de l’extrême droite (FP?).
Des anecdotes racontées par une compatriote vivant depuis plus de huit mois chez une famille autrichienne d’accueil renseigne parfaitement sur les raisons qui définissent ce rapport avec l’étranger. Ibtissam Qaba, une jeune fille venue en Autriche pour faire des études en Interprétariat (Français-Anglais-Allemand), révèle, à ce propos, que durant les premières semaines de son séjour chez cette famille, elle a fallu qu’elle fasse montre d’honnêteté et de rigueur.
Passé cet ‘examen de moralité”, elle a été généreusement adoptée comme un membre à part entière de la famille, s’occupant admirablement de leur deux enfants tout en ayant un salaire et une couverture sociale. Bien plus, cette famille lui apporte un soutien dans ses démarches jusqu’au là laborieuses et infructueuses pour obtenir son inscription à l’université puisqu’elle ne dispose pas d’un diplôme de baccalauréat récent.
Autant de signes de soutien qui expriment la générosité des autrichiens qui sont contrairement aux apparences très humanistes, souligne-t-elle, notant que l’intégration en Autriche est très possible à condition de ne pas déranger l’ordre établi, d’être honnête, sérieux dans le travail et se conformer religieusement aux règles de politesse et de civisme.
Cela dit, il n’en reste pas moins que l’intégration et la vie dans cette société bien réglée suppose au début énormément de patience et d’application. Aucune forme d’extravagance dans les comportements n’est tolérée. Dans les moyens de transport en commun, il est indécent, par exemple, de parler d’une voix haute au risque d’attirer la désapprobation des usagers.
Mais, irrémédiablement, un marocain à Vienne ressent au début le mal du pays, habitué qu’il est à plus de chaleur humaine. Il suffit alors de regarder le ciel et ce chagrin est vite dissipé. On se sent après coup moins triste avec ce sentiment d’apaisement comme si on est revenu au pays tant aimé.
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