Le sous-financement, un défi de taille pour le système humanitaire international

Le sous-financement, un défi de taille pour le système humanitaire international

mercredi, 9 décembre, 2020 à 12:13

Taoufik El Bouchtaoui.
Genève – Ce n’est plus un secret, le système humanitaire international est confronté depuis des années à une crise de fonds aiguë, mais la pandémie de Covid-19 a aggravé encore le sous-financement des agences et autres organisations internationales au moment où le nombre de crises nécessitant une réponse humanitaire ne cesse d’augmenter, notamment à cause du réchauffement climatique, des catastrophes naturelles et des conflits armés.

En 2020, la pandémie de Covid-19 a, en effet, modifié le paysage de la réponse humanitaire en rendant 235 millions de personnes tributaires de l’aide internationale, soit une augmentation de 40% par rapport à la même période de l’année dernière (160 millions). Ainsi, selon un rapport de l’ONU, “si toutes ces personnes vivaient dans un seul pays, ce serait le cinquième pays plus peuplé du monde”.

La semaine dernière, les agences spécialisées de l’ONU et leurs partenaires ont lancé, à Genève, un appel humanitaire record de près de 35 milliards de dollars pour 2021, pour en venir en aide à 235 millions de personnes dans le monde, estimant que la pandémie de Covid-19 a fait “des ravages” et plongé des centaines de millions de personnes dans la pauvreté.

Au total, 34 dispositifs pour 56 pays sont prévus pour le Plan humanitaire mondial 2021.

Le rapport de l’ONU intitulé “Global Humanitarian Overview” indique que les populations ayant besoin d’une assistance humanitaire en 2021 sont des personnes parmi les plus vulnérables, qui sont confrontées à la faim, aux conflits, aux déplacements et aux conséquences du changement climatique et de la pandémie de Covid-19.

« Les budgets de l’aide humanitaire font face à des coupes terribles alors que l’impact de la pandémie mondiale continue de s’aggraver », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, cité par le communiqué.

La crise du coronavirus a plongé des millions de personnes dans la pauvreté et a fait monter en flèche les besoins humanitaires. D’ici à la fin 2020, 270 millions de personnes pourraient souffrir d’insécurité alimentaire aiguë, soit plus de 80% de plus qu’avant la pandémie, selon les prévisions des agences de l’ONU.

La population au Yémen, au Burkina Faso, au Soudan du Sud et dans le nord-est du Nigéria lutte contre la faim, tandis que d’autres pays et régions, comme l’Afghanistan et le Sahel, sont également « potentiellement très vulnérables », a déclaré à la presse le chef des affaires humanitaires de l’ONU, Mark Lowcock.

A l’image de ces dernières années, la Syrie va rester largement en tête des besoins, avec environ 2 millions de personnes supplémentaires qui auront des besoins humanitaires, devant le Yémen et la République démocratique du Congo (RDC).

Pour la crise syrienne, l’ONU demande près de six milliards de dollars pour aider des millions de réfugiés syriens, mais aussi les Syriens à l’intérieur de leur pays où “le ralentissement économique sans précédent a entraîné la perte des moyens de subsistance, la dépréciation de la monnaie et la hausse des prix”.

« Un choix clair s’impose à nous. Nous pouvons laisser 2021 être l’année du grand retournement – l’effritement de 40 ans de progrès – ou nous pouvons travailler ensemble pour nous assurer que nous trouvons tous un moyen de sortir de cette pandémie », a déclaré M. Lowcock.

« Le tableau que nous présentons est le plus sombre que nous ayons jamais exposé en matière de besoins humanitaires à venir », a-t-il fait valoir lors d’une conférence de presse virtuelle depuis Genève. Pour M. Lowcock, « le monde riche peut maintenant voir la lumière au bout du tunnel. Il n’en va pas de même dans les pays les plus pauvres ».

D’une manière générale, les Nations Unies estiment que la vie des gens dans tous les pays et aux quatre coins du monde a été bouleversée par l’impact de la pandémie. Ceux qui vivent déjà sur le fil du rasoir sont touchés de manière disproportionnée par la hausse des prix alimentaires, la baisse des revenus, l’interruption des programmes de vaccination et la fermeture des écoles. « L’extrême pauvreté a augmenté pour la première fois en 22 ans », souligne le rapport, avertissant que « de multiples famines se profilent à l’horizon ».

Autre problème, le changement climatique a un énorme “impact” sur les populations vulnérables. Huit des dix pays les plus vulnérables sur cette question sont également des Etats où la présence des humanitaires est importante.

Les conflits et les désastres ont provoqué aussi un record de déplacements dans le monde.

Mardi, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a annoncé que le nombre de réfugiés et déplacés dans le monde a dépassé la barre des 80 millions à la mi-2020, un “sombre” record aux conséquences massives pour ces populations déracinées, en pleine pandémie de Covid-19.

Ce nombre de 79,5 millions inclut 45,7 millions de personnes déplacées dans leur pays, 29,6 millions de réfugiés et autres personnes déplacées de force hors de leur pays, et 4,2 millions de demandeurs d’asile.

Dans un communiqué, le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, a déploré que le monde ait atteint ce “sombre tournant”, et averti que la situation allait s’empirer si “les dirigeants du monde n’arrêtent pas les guerres”.

A noter que les donateurs internationaux ont octroyé en 2020, environ 17 milliards de dollars pour la réponse humanitaire. L’ONU et ses partenaires ont aidé cette année un record de 7 personnes sur 10 parmi celles qu’ils voulaient assister.

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