Réforme du Code pénal portant sur l’inéligibilité des spoliateurs de deniers publics au Sénégal: La polémique s’installe en attendant le verdict de l’Assemblée nationale

Réforme du Code pénal portant sur l’inéligibilité des spoliateurs de deniers publics au Sénégal: La polémique s’installe en attendant le verdict de l’Assemblée nationale

jeudi, 22 août, 2013 à 15:29

Par: Samir Lotfy.

Dakar- A peine annoncée officiellement il y’a quelque jours dans la capitale sénégalaise, la réforme prochaine du Code pénal, à travers une proposition de loi portant sur l’inéligibilité, pour une durée de 10 ans, des personnes reconnues coupables de détournement de deniers publics, que le gouvernement sénégalais compte soumettre en octobre prochain à l’Assemblée nationale, n’a pas tardé à susciter de vives réactions et à alimenter le débat politique, sur un fond de polémique entre les fervents défenseurs de ce projet et ses détracteurs.

Si l’actuel gouvernement sénégalais a fait de la moralisation de la vie publique son cheval de bataille, en adoptant une batterie de mesures dans ce sens, en vue de mener la traque contre les biens mal acquis et instaurer un climat de confiance et de transparence, une telle démarche ne semble guère faire l’unanimité de tous les sénégalais, notamment certains qui, victimes de calculs politiques étriqués ou partant d’un fort référentiel partisan, tenteraient de remettre en cause ce projet, en arguant qu’il demeure, tout de même, motivé par des considérations purement et simplement politiques voire même, servant à un agenda électoral et électoraliste bien précis.

Mme Aminata Touré, garde de Sceaux et ministre sénégalaise de la justice estime que cette mesures est très bien pensée et vise avant tout la moralisation de la vie publique. A ses yeux, cette proposition n’est qu’une question de bonne gouvernance et que cela n’a rien à avoir avec la politique. Il s’agit d’une invite aux politiciens, à se rendre compte, à l’évidence, qu’il y a des conséquences pénales et en termes, la perte de la possibilité de briguer un autre mandat électif, explique-t-elle.

Elle souligne que le détournement des deniers publics est sanctionné dans les grandes démocraties comme aux Etats-Unis ou encore en France. Car, quand on est élu ou porté à un poste de responsabilité, on a un budget qu’on gère comme on veut. Donc, quand on a affaire à la justice, il est impensable de vouloir ensuite utiliser ces mêmes deniers pour demander les suffrages des citoyens.

La réforme du Code pénal ambitionne donc de corser davantage les sanctions contre les personnes accusées de spoliation des deniers publics, a-t-elle poursuivi, s’interrogeant comment le Sénégal peut se développer et avancer, si on évoque le politique chaque fois qu’on soulève un projet de réforme.

Cette position est largement soutenue est applaudie par le mouvement “Fekkee ma ci boole” (FMCB) qui a fait part mercredi de son soutien à la volonté du gouvernement sénégalais d’initier cette réforme pour l’inéligibilité des citoyens reconnus coupables de détournement de deniers publics.

“Le projet de loi va changer, de manière forte, irrévocable et définitive, le rapport du citoyen avec la chose publique”, souligne le mouvement, fondé par Youssou Ndour, actuel ministre sénégalais du Tourisme, relevant que cette loi est de nature à donner au Sénégal les moyens efficaces et durables nécessaires pour l’assainissement et la moralisation de la vie publique.

D’un point de vue académique, Ndiack Fall, juriste et enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) à Dakar, rappelle l’existence de dispositions du code électoral qui précisent clairement les conditions à remplir pour être éligible. La condamnation pénale peut être un frein à l’aspiration à un mandat électif, a-t-il expliqué.

Au sujet de l’interprétation de cette décision comme étant une tentative d’éliminer de potentiels candidats, il a noté, d’un ton neutre et objectif, que cela dépend de l’autorité gouvernementale, citant ce qu’il appelle sa faisabilité politique. Une autorité peut décider d’une vision déterminée de voir les choses se dérouler de telle ou telle manière. Si c’est le cas, cette volonté politique serait traduite par un projet de loi. Ca sera à l’Assemblée nationale de l’éliminer, de le voter ou pas, a-t-il expliqué.

Sur un autre volet, les détracteurs de la réforme du Code pénal, parmi certains militants de l’opposition et des acteurs de la société civile, y voit une volonté explicite d’éloigner des candidats potentiels et que cette initiative, dans le contexte de la traque des biens mal acquis, a une odeur politique.

Ainsi, le président de la ligue sénégalaise des droits de l’Homme (LSDH), Assane Dioma Ndiaye, a qualifié la proposition de surprenante, car, explique-t-il, de tout temps, cela a été prévue par notre corpus législatif. Si vous étiez condamné à une peine de 2 ans ou plus, c’était considéré comme des peines infamantes qui vous privaient de vos droits d’éligibilité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, pour toutes les élections, on exige aux candidats de fournier un casier judiciaire.

Et d’ajouter que ce dont le gouvernement sénégalais veut intégrer dans la réforme du Code pénal pour empêcher l’auteur du crime économique de l’utiliser pour se faire réélire y existe déjà. A la seule différence qu’il n’est pas spécifique à un seul délit. Cela a toujours été sans distinction de la nature de la condamnation. On estime que si vous devez occuper certaines fonctions, il vous faut un casier judiciaire vierge, a-t-il relevé.

Il devient dès lors surprenant qu’on veuille singulariser le détournement de fond public comme seule raison pour appliquer cette privation, a-t-il dit, relevant que la limitation de la durée de cette peine à 10 ans comme prévue dans la prochaine réforme du Code pénal, ne peut qu’alimenter des soupçons car, de tout temps, cette privation du droit d’éligibilité était perpétuelle. On ne peut pas dire qu’après 10 ans on va vous absoudre et que vous devenez éligible. Ca devient curieux, précise cet avocat.

A ses yeux, le délit de détournement de deniers publics peut être éradiqué d’une autre manière que par la voie de l’inéligibilité d’où, a-t-il relevé, l’inopportunité d’une telle proposition qui, a bien des égards, cache des non- dits. Certains y voient d’ailleurs une manière pour le pouvoir en place d’éloigner tout adversaire politique du président Sénégalais pour les prochaines élections, a-t-il fait savoir.

Une hypothèse à ne pas écarter selon M. Ndiaye pour qui, c’est possible parce que quand un gouvernement fait un projet de loi, il y a certainement des motifs avoués ou inavoués. D’ailleurs ce sont les curiosités soulevées qui font planer ces suspicions.

Selon lui, pour éviter toute erreur d’interprétation, il serait plus judicieux de laisser tomber cette proposition et de maintenir le statu quo qui généralise les conditions d’éligibilité à toute nature de condamnation.

Un avis partagé par la Plateforme africaine pour le développement et les droits humains (PADH) qui a dénoncé, à son tour, ce projet de réforme du Code pénal. Pour cette ONG, dans ce contexte coïncidant avec la traque des biens mal acquis, cela équivaudrait à une volonté manifeste du pouvoir de régler des comptes politiques ou d’éliminer de potentiels adversaires aux prochaines échéances électorales.

“On ne doit pas instrumentaliser la justice ou modifier la Constitution sénégalaise à des fins politiques ou électorales. C’est un projet de loi dangereux qui ne favorise pas la stabilité du pays”, note cette organisation.

Entre partisans et adversaires, le débat continue de s’alimenter sur fond de discorde, en attendant que le projet de loi soit soumis à l’Assemblée nationale, seule instance habilitée à juger, en toute objectivité, de la pertinence d’une telle réforme.

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