Quatre questions au paléo-biologiste et géologue marocain Abderazzak El Albani
Paris – Le paléo-biologiste et géologue marocain Abderrazak El Albani, professeur à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (Université de Poitiers/CNRS), a accordé un entretien à la MAP à l’occasion de la découverte par une équipe internationale de chercheurs qu’il dirige d’une vie microbienne remontant à 570 millions d’années, dans la région de Ouarzazate.
Dans cet entretien, l’expert marocain revient surtout sur l’importance de cette découverte pour l’avenir de la recherche dans ce domaine au Maroc et dans le monde et appelle à la mise en valeur des sites géologiques dans le Royaume pour le placer parmi les pays avant-gardistes dans ce domaine.
– Quelle est la valeur de la découverte au Maroc d’une vie microbienne qui remonte à 570 millions d’années?
Cette découverte permettra de comprendre les origines de la vie sur terre, même quand les conditions sont hostiles. En plus, c’est un excellent analogue terrestre pour la recherche de vie simple susceptible d’exister sur d’autres planètes, ce qui explique l’intérêt que porte la NASA au site où cette découverte a été faite, dans la région de Ouarzazate. C’est une avancée majeure pour la recherche en général et pour la recherche au Maroc tout particulièrement. Elle permettra aussi la mise en place d’un réseau de collaboration pluridisciplinaire, transversal et ouvert sur le monde.
Quelle importance revêt cette découverte scientifique pour le Maroc?
Au centre de ce projet, il faudrait valoriser le travail des jeunes doctorants et des chercheurs à travers des projets de doctorats ou de post-doc bien ficelés et mieux encadrés. Le Maroc viendra alors concurrencer sérieusement à l’échelle du continent africain, l’Afrique du Sud et pourra également se positionner à l’échelle mondiale.
J’espère qu’avec l’aide des autorités du pays, cette découverte permettra de mettre ce site sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ceci permettra également au Maroc d’en bénéficier du point de vue géo-touristique et culturel vu la rareté de ce genre de sites de par le monde.
Le Maroc abrite plusieurs sites d’intérêt hautement scientifique, qui parfois sont méconnus ou abandonnés, quelles mesures préconisez-vous pour leur mise en valeur?
Absolument. Je viens de rentrer d’une mission de terrain où j’ai pu découvrir des sites sublimes. Le plus délicat est que seules quelques universités étrangères (hors Europe) en bénéficient allègrement. Sachant que les ressources intellectuelles au Maroc ne manquent pas, mon souhait est de pouvoir dynamiser la recherche scientifique dans le cadre de projet de coopération entre la France et notamment l’Université de Poitiers, l’une des plus vieilles d’Europe fondée en 1431), le CNRS et le Maroc. L’objectif principal est de rendre la recherche attractive et accessible à toutes et à tous. La mise en valeur et la protection d’un site géologique passe d’abord par des publications de haut niveau et un travail de recherche solide basé sur la formation des jeunes. C’est eux l’avenir… Valoriser un site c’est également protéger et conserver l’histoire de l’Humanité.
Quels sont les projets futurs de votre équipe dans le Royaume?
J’ ai beaucoup de projets et d’idées pour le Maroc car c’est un pays exceptionnel et riche par son patrimoine et sa jeunesse. J’insiste sur la nécessité de soutenir les doctorants car c’est la cheville ouvrière et l’avenir de mon pays. Pour y parvenir, il faudrait des moyens humains et financiers. Aujourd’hui nous disposons du soutien précieux de l’Académie Hassan 2 des Sciences et Techniques, ainsi que celui de la Région Nouvelle Aquitaine en France. La recherche fondamentale a besoin d’être soutenue à tous les niveaux. Je tiens à préciser à cet égard que sans le soutien et les encouragements de SM le Roi Mohammed VI, le projet que je dirige près de Ouarzazate n’aura jamais abouti.
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