Maladie mentale: Entre le marteau de la stigmatisation et l’enclume de l’indifférence
Par Mohamed Saâd Bouyafri
Rabat – Le débat autour des maladies mentales revient de façon sporadique dans l’actualité du Maroc, souvent au gré de faits divers sanglants. Sans déroger à la règle, c’est une nouvelle fois dans des circonstances tragiques que le sujet de la prise en charge des personnes en proie à cette souffrance refait surface.
Le 17 avril courant, la province de Taounate s’est retrouvée dans un état d’effarement suite à un triple meurtre attribué à un individu souffrant de troubles mentaux. Le mis en cause aurait agressé plusieurs personnes à l’aide d’un bâton, à Douar Rass El Koudia, Ain Beida, Caïdat Ain Aicha, entraînant la mort d’une femme âgée et de deux enfants de 7 et 9 ans.
Dans le dessein de lever le voile une fois pour toute sur une éventuelle corrélation entre les troubles psychologiques et les tendances criminelles, la MAP a contacté le psychiatre et psychanalyste, Khalid El Alj, qui a souhaité d’emblée dissiper toute ambiguïté en clarifiant que les homicides, dans leur majorité, ne sont pas dus aux malades mentaux.
Près de 85 % des auteurs d’homicides ne souffrent pas de maladies mentales, a précisé M. El Alj, notant qu'”ils ne sont pas fous au sens commun du terme et l’intervention psychologique et psychiatrique, si elle doit avoir lieu, ne vient qu’après la réponse sociale et judiciaire”.
Pour étayer ses propos, M. El Alj a relevé que selon des études sérieuses, les homicides ne concerneraient qu’une catégorie de maladies mentales qualifiées de “graves” qui ne serait responsable que de 0,16 cas d’homicides pour 100.000 habitants par an.
“Il s’agit beaucoup plus de situations critiques de souffrance vécues par des individus présentant des perturbations structurelles de la personnalité et dont la dangerosité est sensiblement accrue par la prise de stupéfiants”, a-t-il expliqué.
Toutefois, “la représentation collective de la folie criminelle stigmatise la souffrance humaine et la surmédiatisation y contribue”, a déploré M. El Alj.
En effet, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la stigmatisation est l’obstacle le plus important à surmonter dans la communauté pour la prise en charge des maladies mentales.
A cet égard, l’OMS insiste sur l’importance de mener des campagnes de santé publique visant à améliorer la prise de conscience générale des dangers de la stigmatisation des maladies psychiques afin d’éviter que les personnes en proie à ces troubles ne finissent par s’approprier les stéréotypes attribués à leur maladie.
Pour y parvenir, M. El Alj préconise une meilleure prise en charge de la maladie mentale par le corps social, “parce qu’il en est à la fois le responsable et le producteur”.
“Le déni de cette réalité n’aboutirait qu’à des logiques de purification”, a-t-il prévenu, soulignant qu’aucun apport à la prise en charge de la souffrance psychique n’est de trop.
Le b.a-ba du soutien au patient psychiatrique, a poursuivi M. El Alj, est d’aider à le connaître et d’ouvrir aux spécialistes les canaux de communication afin de contribuer à une meilleure appréhension de cette fragilité dont personne n’est à l’abri.
La généralisation de la protection sociale va contribuer pour beaucoup à l’amélioration de la prise en charge de ce type de souffrances, s’est réjoui M. El Alj, regrettant toutefois le manque de structures d’accueil, de lits d’hospitalisation et de personnel soignant dont pâtit le secteur.
En amont, la prévention passe par la garantie de la dignité des personnes fragiles, commençant par celles qui sont en situation psychosociale critique, a-t-il fait observer, tout en plaidant en faveur d’une meilleure restructuration du lien social et de l’amélioration des conditions de vie des défavorisés.
Des propos qui abondent dans le même sens que les recommandations de l’OMS selon lesquelles la promotion de la santé mentale passe par des actions tendant à créer des conditions de vie et un environnement qui favorisent la santé mentale et permettent d’adopter et de conserver un mode de vie sain. Il existe ainsi un large éventail de mesures visant à augmenter la probabilité de voir plus de gens jouir d’une bonne santé mentale.
Un environnement garantissant le respect et la protection des droits civils, politiques, socioéconomiques et culturels fondamentaux est indispensable pour promouvoir la santé mentale. Sans la sécurité et la liberté apportées par ces droits, il est très difficile de conserver une bonne santé mentale, selon l’Organisation onusienne.
“Si le niveau de connaissance du grand public sur les maladies mentales est à travailler sans relâche, gardons à l’esprit que ce n’est pas l’apanage d’un quelconque pays, l’espèce humaine a toujours tendance à refouler ce qui l’angoisse d’elle-même”, a soutenu M. El Alj.
Il est donc essentiel d’œuvrer continuellement pour changer le regard de la société sur les personnes atteintes de ces maladies qui ne retiennent l’attention de l’opinion publique que de manière occasionnelle, comme c’était le cas à l’occasion de la fermeture du tristement célèbre site de “Bouya Omar”.
Avant l’intervention des autorités compétentes, les pensionnaires de ce mausolée, où les charlatans étaient légion, subsistaient dans des conditions dramatiques, privés des droits les plus élémentaires. Fort heureusement, ils avaient été transférés aux hôpitaux et aux services de santé où ils ont été pris en charge gracieusement dans le cadre de l’initiative Al Karama.
Ces événements rappellent à quel point il est nécessaire que les efforts consentis pour élaborer les politiques de santé prennent en considération les besoins des personnes atteintes de troubles mentaux de la même manière qu’elles s’attellent à protéger et à promouvoir le bien-être mental des citoyens.
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