L’Energiewende, ou transition énergétique en Allemagne, un enjeu national d’une portée mondiale
-Par: Farouq El Alami-
Berlin – Quand on interroge les touristes foulant pour la première fois les pavés de Berlin sur ce qui les a le plus frappé au cours de leur passage par la capitale allemande, leurs réponses portent sur le nombre impressionnant de cyclistes que compte la métropole aux 3,5 millions d’habitants.
Il suffit, en effet, de se promener quelques centaines de mètres pour croiser un touriste hagard, bloquant le passage à un autochtone exaspéré ayant pour habitude de rouler librement sur les innombrables voies cyclistes que compte la ville.
Les vélos à Berlin sont le reflet d’une vielle tradition allemande, un pays où le concept de “durabilité” avait déjà été théorisé au début du 18ème siècle, et l’un des pionniers de l’action mondiale en faveur de la promotion de politiques climatiques et énergétiques à même d’assurer la réalisation des objectifs tracés par l’Accord de Paris sur les changements climatiques, tels que réaffirmés à Marrakech lors de la COP22.
“La sécurité énergétique et la durabilité sont des jumeaux, nés en 1713” grâce au travail de Hans Carl von Carlowitz, a fait savoir, au cours d’un rencontre avec les participants internationaux au programme “Post COP21: Les politiques climatiques pour 2050”, le fondateur de l’Institut écologique de Berlin, Andreas Kraemer.
Pour de nombreux observateurs, la transition énergétique en Allemagne a débuté avec la décision de la chancelière allemande Angela Merkel de sortir progressivement de l’énergie nucléaire à l’horizon 2022 et ce, notamment, après l’incident survenu en mars 2011 dans la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon.
Or, comme le fait observer M. Kraemer, le projet sociétal a débuté des décennies avant la décision du gouvernement Merkel. Il s’agit, explique-t-il, d’un long processus profondément ancré dans l’histoire allemande qui a enclenché une forte poussée des énergies renouvelables et qui est désormais au cœur d’un passage vers une économie neutre en émissions de carbone.
Ce processus, poursuit-t-il, est largement connu en Allemagne par l’expression “Energiewende”, équivalent allemand de “transition énergétique”.
Si l’Allemagne n’est pas directement visée par les effets des changements climatiques, il n’en demeure pas moins que pour beaucoup d’Allemands, la promotion de bonnes politiques climatiques à l’étranger est dans leur propre intérêt, fait-il-remarquer.
“Cet état d’esprit s’explique à la fois par la dissipation de tout sentiment nationaliste en Allemagne après la 2ème Guerre mondiale, auquel s’est substitué celui d’appartenance européenne, d’une part, et une crainte liée à l’impact qu’auront les changements climatiques sur les questions migratoires, de l’autre”, estime le scientifique allemand.
Beaucoup d’obstacles entravent toujours la réalisation des objectifs du gouvernement allemand qui consistent à produire au moins 80% de l’énergie du pays via les énergies renouvelables à l’horizon 2050, contre 31,5% seulement en 2015.
Si la sortie du nucléaire est actée et irréversible, l’abandon de certaines énergie fossiles, notamment du charbon, est loin d’être évidente, affirme, de son côté, le chercheur de l’Institut écologique, Andreas Prahl, au cours d’une visite à une mine d’extraction de lignite à Cottbus, tout près de la frontière polonaise, dans le cadre de ce programme financé par le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères.
En 2016, l’industrie du lignite employait toujours plus de 20.000 personnes en Allemagne, indique M. Prahl, faisant savoir que le gouvernement fédéral est en train de se pencher sur l’abandon de cette source d’énergie fossile à l’horizon 2035-2040.
L’Allemagne est souvent pointée du doigt pour sa réticence à abandonner rapidement le charbon, regrette le chercheur, précisant que pas moins de 40% de l’électricité du pays dépend de cette industrie.
L’enjeu est de taille, car si l’Allemagne hésite à abandonner le charbon, elle servira de mauvais exemple à d’autres pays qui militent farouchement pour l’exploitation de ce type de mines, à l’instar de la Pologne voisine où cette industrie génère plus de 80.000 emplois, d’après Urszula Stefanowisz, coordinatrice de projets et porte-parole de l’Alliance climatique polonaise.
Le gouvernement polonais compte profiter de la tenue de la COP24 à Katowice pour défendre l’idée d’une industrie du charbon “propre”, a-t-elle indiqué.
“Croire aujourd’hui encore, malgré toute l’évidence scientifique qui pointe dans le sens contraire, que le charbon est une énergie propre, ce n’est ni plus ni moins qu’une aberration”, lâche t-elle sans détour au micro de la MAP, dans le cadre de sa participation à ce programme.
A quelques encablures de Cottbus, c’est une autre facette de l’Energiewende qui est offerte aux visiteurs du charmant petit village de Drehnow dont les habitants ont accepté d’abriter un parc éolien en échange d’une part dans les profits qu’il génère.
Cette initiative a ainsi permis à la municipalité de Drehnow de financer plusieurs projets, notamment une caserne de pompiers et une garderie, le tout en réduisant l’empreinte écologique de la bourgade.
Autre exemple de cette dynamique allemande à tous les niveaux, la multinationale DHL, première entreprise logistique dans le monde, qui a lancé récemment un projet visant à équiper le parc automobile de la Deutsche Post de voitures électriques conçues par les ingénieurs de la firme.
Les participants à la COP23 qu’abritera l’ancienne capitale allemande, Bonn, à partir du 6 novembre prochain, pourront ainsi croiser une centaine de véhicules 100% électriques dotés d’une autonomie d’entre 80 et 100 km.
Ce changement de paradigme ne se fait pas sans rencontrer d’obstacles, comme l’explique Markus Döhn, de la section eMobility GoGreen Deutsche Post/DHL, car l’industrie automobile allemande est particulièrement réticente au passage vers l’électrique.
“Pour nous faire comprendre que nous n’étions plus les bienvenus chez eux, les constructeurs qui équipent notre parc automobile traditionnel ont usé de quelques stratagèmes”, raconte, un sourire au coin des lèvres, M. Döhn.
“Quand on envoie un véhicule au garagiste, il ne faut pas s’attendre à le récupérer avant plusieurs semaines, même si c’est pour un problème technique mineur”, poursuit-il, expliquant que l’entreprise a même dû investir dans ses propres garagistes.
Il ne fait aucun doute que l’assimilation du secteur du transport dans l’Energiewende sera crucial dans la quête du pays vers une économie faible en carbone. Or, il n’existe aucun consensus dans le pays sur la manière dont cela pourra se faire.
Les constructeurs automobiles allemands ont plaidé avec acharnement, et souvent avec succès, contre des limites plus strictes en émissions de carbone. L’impact de scandales comme le Dieselgate a été marginal sur l’industrie automobile, et il semble de plus en plus probable que le gouvernement n’atteindra pas l’objectif affiché de mettre un million de véhicules électriques sur les routes allemandes en 2020.
A l’instar de l’exploitation du charbon, l’enjeu est réel. Car, si l’Allemagne, qui compte les plus puissantes marques automobiles au monde, piétine dans son passage vers les voitures électriques, de nombreux pays en développement n’auront d’autre choix que de continuer à utiliser les véhicules de moteurs à combustion disponibles sur le marché.
Toutefois, l’optimisme est de rigueur au pays du Rhin, car l’Energiewende fait l’objet d’un fort consensus politique et d’une mobilisation de tous les acteurs publics et privés. Cela est d’autant plus important que d’autres pays développés remettent en question leurs engagements pris à Paris. L’Allemagne a, dans ce cadre, un rôle capital à jouer, celui de moteur vert dans la lutte contre les effets des changements climatiques.
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