Trois questions à Marianne Dony, présidente du Centre de droit européen
Bruxelles – Marianne Dony, Professeure honoraire et présidente du Centre de droit européen relevant de l’Université libre de Bruxelles, livre, dans un entretien à la MAP, sa lecture de l’accord sur le Brexit et les défis à relever par l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni après leur divorce, qui sera effectif le 31 janvier à minuit (23h00 GMT).
Quelle est votre évaluation de l’accord sur le Brexit négocié entre Bruxelles et Londres, et dans quelle mesure répond-il aux attentes des deux parties?
L’accord approuvé (il n’y avait aucun suspense) par le Parlement européen est un simple « accord de retrait », en d’autres termes un accord de divorce, qui permet que le retrait se fasse de manière ordonnée, en réglant (i) les droits des citoyens britanniques et des vingt-sept autres Etats membres qui résident actuellement de part et d’autre de la Manche, en conservant autant que faire se peut les droits dont ils disposaient avant le retrait ; (ii) la facture financière du retrait ; (iii) la sauvegarde du processus de paix en Irlande du Nord. Il ménage aussi, à la demande expresse du Royaume-Uni une période de transition jusqu’au 31 décembre, au cours de laquelle le droit de l’Union continue à s’appliquer au Royaume-Uni. Globalement pour moi, c’est un accord équilibré. J’ai de gros doutes sur la praticabilité de la solution de dernière minute bricolée pour éviter le rétablissement d’une frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.
(…) Il y a eu plusieurs blocages successifs au Parlement britannique qui expliquent ce long délai (avant la concrétisation du Brexit, plus de 3 ans depuis le référendum britannique du 23 juin 2016). Il a fallu les élections de décembre pour que la situation se débloque.
– Quels sont, selon vous, les prochains défis à relever lors des négociations post-Brexit ?
Il faut se rendre compte que ce n’est en réalité que le début des négociations. Quand on parle de « hard » ou « soft » Brexit, c’est des relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne qu’il s’agit. Là tout reste à faire. Les négociations ne commenceront que début mars au plus tôt. Le Royaume Uni a indiqué qu’il ne voulait qu’un accord de libre-échange, ne portant notamment pas sur les services financiers ; Cela va être très difficile et le seul accord que l’on peut espérer d’ici le 31 décembre, puisque le Royaume-Uni a annoncé qu’il ne demanderait pas de prorogation de la période de transition, sera un accord a minima visant à éviter le retour de droits de douane et de restrictions quantitatives pour les marchandises. Un échec est très possible car des thèmes sont très délicats, en particulier la pêche. Les autres questions, sécurité intérieure et extérieure notamment resteront pour plus tard. Une autre question est de savoir si et à quelles conditions le Royaume Uni participera à l’avenir aux programmes en matière d’enseignement, de recherche notamment.
-Le Brexit aurait-il pu être évité ? Quelles sont les chances d’un éventuel retour en arrière ?
Cela dépend du moment où l’on se place. Bien sûr, on peut regretter la décision d’organiser le référendum et les manipulations de l’opinion publique qui ont été commises à ce moment-là. Un accord a été conclu entre les 28 Etats membres pour donner satisfaction au Royaume-Uni par rapport à plusieurs questions, mais cela n’a pas suffi. Une fois que le référendum a eu lieu, le wagon était lancé… Certes la Cour de justice a jugé que le Royaume-Uni pouvait toujours faire marche arrière mais il n’y a pas eu de majorité au Parlement britannique pour organiser un nouveau référendum, dont le résultat aurait d’ailleurs été très incertain. Maintenant, la page se tourne le 31 janvier à minuit et si le Royaume-Uni veut un retour en arrière, certainement pas tout de suite mais peut-être dans un avenir plus lointain, il devra introduire une demande d’adhésion, qui devra être acceptée par tous les Etats membres de l’Union.
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