Spectre de récession : L’Australie n’est plus “ce pays chanceux”
-Par Omar ER-ROUCH-
Canberra – Le livre “The Lucky Country” (le Pays chanceux) du sociologue australien Donald Horne a été publié dans les années 1960 et depuis, le pays-continent a toujours porté avec mérite cette heureuse réputation. Mais après les ravages des feux de brousse sans précédent et aujourd’hui la pandémie du nouveau coronavirus, la génération Y, née entre 1978 et 2000, risque de découvrir pour la première fois les désagréments d’une récession.
Le boom économique en Asie a créé une énorme demande pour les produits de base australiens. Au cours des trois dernières décennies, le pays-continent n’a pas connu une seule récession, un record mondial de la plus longue phase de croissance économique (29 années consécutives).
Avec une population d’à peine 25 millions d’habitants pour partager les richesses de tout un continent, la prospérité semblait acquise à long terme. Alors que les États-Unis et l’Europe s’inquiétaient de l’érosion du niveau de vie de la classe moyenne, le “rêve australien” s’est perpétué.
Certes la croissance australienne s’est ralentie ces dernières années dans un contexte économique international défavorable miné par la faiblesse du commerce de détail, la stagnation des salaires, et surtout les effets de la guerre commerciale sino-américaine, mais la douzième économie mondiale a encore une fois démontré sa résilience. Sur l’ensemble de l’année dernière, le PIB a progressé de 2,2 %.
Cependant, le “Pays chanceux” est peut-être en train de perdre sa main heureuse. L’effet des feux de brousse, dont la violence a atteint son pic à la fin du mois de décembre, conjugué aux répercussions néfastes de la pandémie du nouveau coronavirus sur l’économie, n’ont pas été pris en compte dans les calculs de fin d’année.
“Les effets des feux de forêt et du nouveau coronavirus se feront davantage sentir au premier trimestre” de cette année, avait estimé le Bureau australien des statistiques.
Un signal d’alarme qui a poussé la banque centrale australienne à réduire son taux d’intérêt directeur de 25 points de base à 0,5%, un niveau jamais atteint jusqu’à présent, afin d’atténuer l’impact de ces deux catastrophes sur son économie.
Si les feux de brousse, qui ont ravagé l’Australie de septembre à février, ont eu un impact néfaste sur l’économie du pays-continent, le produit intérieur brut (PIB) ayant baissé sensiblement à 2,2% contre 2,75% prévu initialement, la pandémie semble bien partie pour avoir un effet plus dévastateur, en particulier dans les secteurs de l’éducation et du tourisme.
Suite à une explosion du nombre des cas d’infection confirmés du Covid-19, la Banque centrale australienne a encore une fois réduit son taux d’intérêt directeur de 25 points de base à 0,25%, affirmant que ce taux demeurerait à ce niveau “jusqu’à ce que des progrès soient réalisés pour renouer avec le plein emploi”.
Et c’est justement l’emploi qui prend un coup de massue avec la pandémie du nouveau coronavirus. Lundi au premier jour de l’entrée en vigueur de la mesure de fermeture des services non-essentiels décidée par le gouvernement conservateur de Scott Morrison, des centaines de chômeurs ont formé de longues files d’attente devant les agences pour l’emploi dans tous les Etats et territoires du pays-continent, pour la première fois depuis des décennies.
Par ailleurs, près de 100.000 personnes ont tenté de se connecter au même moment à un site internet gouvernemental dédié aux indemnités chômage, provoquant le crash du portail électronique.
Selon plusieurs analystes, le taux de chômage pourrait exploser et monter jusqu’à 15%, ce qui veut dire que plus de 2 millions d’Australiens pourraient se trouver sans emploi. Soit le niveau de chômage le plus élevé dans le pays depuis 1932.
Ainsi, les jeunes Australiens (surnommés Aussies), qui n’ont pas connu une seule récession depuis qu’ils sont sur le marché du travail, vont découvrir le chômage comme les baby-boomers l’ont enduré dans les années 1970.
Une nouvelle réalité qui a poussé le gouvernement australien à proposer un plan de relance économique de grande envergure. Quelque 100 milliards de dollars australiens vont ainsi être injectés dans l’économie pour faire face à la crise du nouveau coronavirus et à soutenir les emplois et la consommation.
Le plan a certes été accueilli avec enthousiasme, mais beaucoup estiment qu’il ne sera pas suffisant. La “baraka” australienne sera-t-elle encore une fois au rendez-vous ou la génération Y va goûter à l’amère réalité d’une nouvelle ère qui s’annonce houleuse?
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