La paix et la stabilité en Asie du Sud-Est, seront-elles englouties dans les eaux troubles de la mer de Chine méridionale ?
Mohammed Benmassaoud
Hanoï – La mer orientale, communément appelée mer de Chine méridionale ou mer de l’Est, constitue un enjeu géostratégique de premier ordre pour les Etats d’Asie du Sud-Est, mais aussi pour leur grand voisin la Chine, d’où des tensions de plus en plus palpables qui peuvent menacer la paix et la stabilité dans cette région du monde.
Depuis des décennies, la mer orientale se trouve au centre de revendications controversées entre d’une part, les 10 pays qui composent l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), en particulier le Vietnam, la Malaisie, le Brunei et les Philippines, et d’autre part, la Chine qui revendique la quasi-totalité de cette zone maritime hautement stratégique par laquelle transite chaque année le tiers du commerce mondial.
Ces revendications territoriales sont autant exacerbées par les richesses naturelles que la mer orientale est supposée abriter, notamment pétrolières et halieutiques, et les développements récents survenus après que Pékin a déployé un navire d’exploration pétrolière accompagné d’escortes militaires près des côtes vietnamiennes, accentuant davantage les tensions dans cette voie maritime dont les eaux sont déjà agitées.
Face à cette situation qui se complique davantage, en particulier entre le Vietnam, farouche opposant à la présence chinoise en mer orientale et qui ne cesse de fustiger les actions de son voisin, et la Chine, qui argue d’une présence plus ancienne dans cette zone pour faire valoir ses droits, il semble que les parties impliquées n’ont d’autre choix que d’essayer de trouver un terrain d’entente pour désamorcer la situation tendue qui risquerait de provoquer une escalade régionale, voire même mondiale.
En effet, les Etats-Unis, engagés dans une guerre commerciale ouverte qui ne montre pas de signes d’apaisement avec la Chine, tentent de s’immiscer dans cette zone faisant valoir le principe de liberté de navigation et de survol en mer orientale, s’attirant ainsi la colère de Pékin et des face à face entre navires militaires américains et chinois, qui, heureusement, n’ont jusqu’à présent pas dégénéré en confrontation directe.
Au cœur de ce différend territorial se trouve les archipels des Paracels et des Spratleys (Hoang Sa et Truong Sa en vietnamien) sur lesquels la Chine a construit des installations civils et militaires, selon ses détracteurs, en particulier le Vietnam. Des archipels qui offrent une position stratégique et donnent un accès direct vers la mer orientale, en plus de leur proximité des champs pétrolifères et des plateformes d’extraction du Vietnam, des philippines et de la Malaisie qui voient en la présence de Pékin une menace à leur approvisionnement énergétique et aux activités de pêche, également un sujet de discorde entre les pays voisins.
Hanoï justifie ses revendications par une activité plus ancienne sur les archipels de Hoang Sa et Truong Sa et de leur proximité géographique des côtes vietnamiennes, confortée dans sa position par un jugement rendu par la Cour pénale d’arbitrage de La Haye, selon lequel les prétentions chinoises dans cette partie du monde ne reposent sur “aucun fondement juridique”, un jugement qui n’a pas restreint les activités de Pékin qui semble poursuivre de plus belle sa politique “du fait accompli” en installant des capacités militaires dans cette voie maritime.
Les Philippines, elles, semblent atténuer leurs revendications malgré un récent accrochage entre bateaux de pêche philippins et chinois dans les eaux controversées. En témoigne également la récente visite en Chine, le 29 août dernier, du président philippin, Rodrigo Duterte, à l’issue de laquelle les deux pays ont convenu de créer un comité conjoint intergouvernemental sur la coopération en matière de pétrole et de gaz.
Face à cette situation de plus en plus volatile, l’ASEAN se trouve au centre d’un ballet diplomatique pour tenter de désamorcer “cette bombe à retardement”, notamment à travers des négociations ardues pour tenter de mettre sur pied un Code de conduite des parties en mer (COC) plus contraignant que la Déclaration sur la conduite des Parties en mer (DOC), signée en 2002, et qui depuis n’a pas encore débouché sur un COC. Un retard qui reflète les difficultés entre l’ASEAN et la Chine pour parvenir et une solution définitive de ce litige frontalier, qui envenime les relations en Asie du Sud-Est et même au sein du bloc régional entre une ligne plus dure vis-à-vis des revendications de Pékin menée par Hanoï et une ligne plus conciliante, dirigée par le Cambodge, un allié de poids de la Chine au sein de l’ASEAN.
Entre des revendications territoriales controversées, des intérêts divergents, la présence d’acteurs en dehors de l’Asie du Sud-Est, des enjeux géopolitiques et économiques majeurs et des positions figées des différents belligérants, l’aboutissement de ce conflit n’est pas encore à l’ordre du jour, du moins dans un court terme.
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