Municipales au Brésil : Rio de Janeiro scelle son sort, Sao Paulo en attente d’un duel décisif

Brasilia – Onze capitales des 26 États brésiliens, dont Rio de Janeiro, ont élu leurs maires dès le premier tour des élections municipales dimanche, tandis que quinze autres devront se soumettre à un second tour le 27 octobre, notamment à Sao Paulo où un duel s’annonce intense.

Après neuf heures de vote durant lesquelles près de 156 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour choisir leurs maires et leurs conseillers municipaux, les bureaux de vote ont fermé à 17 heures (heure locale) dans tout le pays. La justice électorale a immédiatement entamé le dépouillement des suffrages.

Ces élections, portant sur 5.569 communes, représentent un test majeur pour les principales forces politiques du géant latino-américain, deux ans après la présidentielle ultra-polarisée de 2022, remportée de justesse par le président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva (Parti des travailleurs – PT), au détriment de son prédécesseur de droite Jair Bolsonaro (Parti libéral – PL).

Parmi les élus au premier tour, selon les résultats dévoilés par le Tribunal supérieur électoral (TSE), on trouve Joao Campos à Recife (Pernambouc), Joao Henrique Caldas à Maceió (Alagoas), Bruno Reis à Salvador (Bahia) et Eduardo Paes à Rio de Janeiro, cette dernière étant la deuxième ville la plus convoitée du pays, avec 6,2 millions d’habitants et représentant 4 % de la richesse nationale.

Le maire sortant de Rio, Eduardo Paes, a été réélu avec 60,47% des voix, marquant ainsi une victoire décisive. Membre du Parti social-démocratique (PSD), Paes (54 ans) a bénéficié du soutien de Lula. Sa réélection constitue l’une des défaites les plus notables pour l’ex-président Bolsonaro, qui avait soutenu Alexandre Ramagem, député fédéral du PL, ce dernier ayant obtenu 30,95 % des suffrages.

À peine sa victoire annoncée, Paes a déclaré que sa réélection représente un “message pour le Brésil”, soulignant qu’il est temps de mettre fin à la polarisation politique dans le pays.

Parmi les capitales qui devront se soumettre à un second tour, Sao Paulo se distingue comme l’épicentre de cette bataille électorale, représentant presque 10 % de l’économie nationale. D’autres villes comme Goiânia (Goiás), Belo Horizonte (Minas Gerais), Porto Alegre (Rio Grande do Sul) et Fortaleza (Ceará) sont dans la même situation.

Le second tour à Sao Paulo s’annonce déterminant, avec Ricardo Nunes (Mouvement Démocratique Brésilien – MDB) et Guilherme Boulos (Parti Socialisme et Liberté – PSOL) en lice pour la mairie, avec des visions politiques divergentes. Après un premier tour serré, où Nunes a obtenu 29,48 % des voix contre 29,07 % pour Boulos, les électeurs devront retourner aux urnes le 27 octobre pour élire le maire de la capitale économique pour les quatre prochaines années.

Le prochain tour va refléter la lutte observée lors de l’élection présidentielle de 2022 entre Lula, qui soutient aujourd’hui Boulos, et Bolsonaro qui se range derrière Nunes. Deux ans plus tôt, Lula avait remporté 53,54 % des voix valides à Sao Paulo, contre 46,46 % pour Bolsonaro.

Si Boulos l’emporte, il se consolidera comme l’un des principaux héritiers de Lula et un candidat potentiel à des postes plus élevés. Peu de personnalités au sein du PT ou d’autres partis de gauche pourraient rivaliser avec l’éloquence de Boulos. Une victoire de la gauche à Sao Paulo pourrait également compenser le nombre restreint de maires que le PT et ses alliés devraient obtenir lors des élections municipales de 2024.

À 42 ans, Boulos apparaît comme le politicien le plus à même d’hériter de la base électorale luliste, en concurrence avec l’actuel ministre des Finances, Fernando Haddad (PT).

Pour Jair Bolsonaro, la qualification de Ricardo Nunes au second tour constitue une victoire, d’autant plus que des doutes planaient sur la capacité du politicien du MDB à réaliser cet exploit. Toutefois, ce succès est encore plus significatif pour le gouverneur de Sao Paulo, Tarcísio de Freitas (Républicains), qui se présente comme un représentant du bolsonarisme moins radical. L’éventuelle victoire de Nunes au second tour serait cruciale pour renforcer la position du gouverneur en tant qu’option de droite pour la course présidentielle de 2026.

Le premier tour des élections municipales a été marqué par un taux d’abstention “élevé”, établi à 21,71 % par le TSE, soit le deuxième plus haut depuis 2000, juste derrière celui de 2020, marqué par la pandémie (23,1 %).

Il a également connu des dérives, avec l’arrestation de 515 personnes pour crimes électoraux, selon un bilan partiel du ministère de la Justice et de la Sécurité publique, établi en soirée.

Parmi ces infractions, les actes de “boca de urna” (sollicitation des électeurs aux abords des bureaux de vote) représentent la majorité, avec 1 057 cas signalés. En deuxième position, l’achat de votes et la corruption électorale comptabilisent 423 infractions. Le bilan inclut également 309 cas de propagande électorale irrégulière, 203 violations ou tentatives de violation du secret du vote, ainsi que 64 actes de désobéissance aux ordres de la justice électorale.

La présidente du TSE, Cármen Lúcia, a exprimé son inquiétude concernant la saisie de 3,85 millions de dollars en espèces par la police fédérale depuis le début des élections, soulignant que cette situation est préoccupante pour tous.

Cependant, le directeur général de la police fédérale, Andrei Rodrigues, a assuré que les élections se déroulent normalement, sans incidents majeurs. Au total, la valeur des biens saisis s’élève à environ 8,43 millions de dollars, ce qui représente une augmentation par rapport aux montants confisqués lors des élections de 2020 (270.000 dollars) et 2022 (920.000 dollars).

Les résultats du premier tour des élections municipales révèlent une polarisation persistante et un climat électoral tendu au Brésil. Tandis que certains candidats célèbrent leur victoire, d’autres, notamment ceux de Sao Paulo, se préparent à un duel crucial qui pourrait redéfinir les alliances politiques en vue des élections présidentielles de 2026.

Les voix des électeurs seront déterminantes, non seulement pour l’avenir de leurs municipalités, mais aussi pour l’orientation politique du pays dans les années à venir. Dans l’entre-temps, la vigilance face aux actes de corruption et à la violence électorale est de mise afin de préserver la santé démocratique du Brésil.