Mexique: Un an après, quel bilan pour le président López Obrador?
.-Par Khalid EL HARRAK-.
Mexico-Un an s’est écoulé depuis la prise de fonctions du président mexicain Andrés Manuel López Obrador. Son élection a suscité beaucoup d’espoirs et énormément d’attentes dans le pays. Sur le terrain toutefois, son gouvernement n’a guère accompli d’avancées significatives dans la réalisation de ses promesses alors que les politiques de lutte contre l’insécurité et de relance économique tardent toujours à porter des fruits.
Le premier décembre 2018, Lopez Obrador a été investi à la magistrature suprême de la deuxième économie d’Amérique Latine. Le président de gauche peut se targuer aujourd’hui d’une certaine popularité, même si sa politique sécuritaire et économique ne convainc pas.
La lutte contre la corruption et la baisse des dépenses de l’Etat ont permis d’accroître le budget pour 2020 “sans augmenter les impôts”, a souligné le chef de l’Etat devant des dizaines de milliers de personnes à la place du Zocalo, au cœur de Mexico. “Voilà, dans les faits, l’austérité républicaine”, a-t-il ajouté lors de la célébration d’un an de sa prise de pourvoir jour pour jour.
Alors que son taux de popularité est passé de 68,7% en août à 58,7 % en novembre, selon un sondage réalisé par l’institut Mitofsky Consultation, son mode de gouvernance suscite davantage de réserves.
Car le style Lopez Obrador, c’est aussi des réformes menées au pas de charge: de l’annulation de la construction du nouvel aéroport de Mexico, en passant par la création de la garde nationale et l’adoption de mesures “d’austérité républicaine”, le candidat qui se réclamait “anti-néolibéral” apparaît de plus en plus comme un président “populiste”.
“Cela a réduit considérablement la capacité d’action de l’État et a entravé son fonctionnement quotidien. A cela, s’ajoute une centralisation de la prise de décision en matière de stratégie économique”, estime le professeur des politiques publiques de l’Université des Amériques de Puebla (ODLAP), Mohamed Badine El Yattioui, dans une déclaration à la MAP.
Lutte contre la criminalité, taux de croissance, politiques étrangère et migratoire: les défis sont nombreux pour le gouvernement alors que le chef de l’État affiche un bilan en demi-teinte. Sur le plan économique, le président mexicain s’était engagé à doper la croissance pour la faire grimper jusqu’à 2% en 2019.
Un an après, et bien que le taux de change et l’inflation se portent bien, l’économie du Mexique n’a pas été aussi faible depuis plusieurs années.
Nombreux sont les commentateurs à observer que le bilan au plan économique “est plus que contrasté”, avec 289.000 emplois perdus au cours des 10 premiers mois de 2019.
Pour l’universitaire de la ODLAP, l’économie se porte mal pour plusieurs raisons. D’une part, un “environnement international complexe”, marqué par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine qui a entraîné une réduction de l’investissement mondial affectant le Mexique. Mais également des facteurs internes, dont la politique d’austérité du président, qui a annulé des contrats de travaux publics et opté pour des réductions budgétaires importantes.
Les derniers chiffres de la Banque centrale mexicaine faisaient état d’une croissance de 0,2% cette année, soit dix fois moins que les 2% promis. “L’économie mexicaine est quasiment au point mort”, estime un récent rapport de la banque espagnole BBVA.
S’agissant du phénomène de la violence, thème central du programme de Lopez Obrador, 2019 semble être l’année la plus violente au Mexique depuis que les autorités ont commencé en 1997 à tenir des statistiques officielles. Elle pourrait bien dépasser le record de 33.743 homicides enregistré en 2018.
Lors de la cérémonie marquant sa première année au pouvoir, le président mexicain a fait valoir que son gouvernement avait entrepris “un changement de paradigme en matière de sécurité”.
“Entre 2006 et 2018, les dirigeants ont cherché à répondre au problème de l’insécurité et de la violence criminelle par des actions des forces militaires et de la police, sans toucher au fond du problème”, a-t-il dit.
Le gouvernement, a martelé le chef de l’Etat, se concentre désormais sur “la pacification” du pays avec une stratégie qui s’attaque aux racines du problème avec des programmes sociaux et “l’utilisation mesurée de la force”.
Mais cette stratégie en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité n’a pas donné les résultats escomptés car les problèmes sont structurels, avec un déficit au niveau des effectifs de police d’environ 50 % et un système judiciaire défaillant, a expliqué à la MAP le professeur des sciences politiques à l’université des Amériques (UDLAP), Carlos Edward Juarez, notant que le Mexique compte quatre fois moins de juges que la moyenne mondiale selon l’indice mondial d’impunité.
Face aux violences en tout genre, aux fusillades, et aux meurtres, le président Lopez Obrador a répliqué par des appels à “déposer les armes”, “à ne pas répondre à la violence par la violence”, et à faire preuve de retenue.
Lors de son dernier meeting, le président mexicain a, par ailleurs, dressé le bilan de sa première année au pouvoir également en matière de politique étrangère, avec “le retour aux principes historiques”.
Lopez Obrador a donné la priorité aux problèmes internes du Mexique plutôt que de renforcer sa présence au niveau international, car pour lui, “la meilleure politique étrangère est la politique intérieure”, selon l’universitaire Badine El Yattioui.
Le chef de l’Etat avait ainsi rejeté toute possibilité d’intervention américaine armée contre les cartels de la drogue sur son territoire ou pour lutter contre les flux migratoires, tout en veillant à préserver sa relation privilégiée avec son puissant voisin du nord.
Le Mexique est en train de modifier de façon très importante sa politique migratoire sous la pression indubitable des États-Unis, a souligné l’universitaire mexicain, mettant l’accent sur l’importance pour Mexico de maintenir ses relations économique et commerciale stratégiques avec les États-Unis.
Relevant que la relation entre les deux pays passe par la sécurité des frontières, il a relevé que la création du Groupe de haut niveau sur la sécurité est un bon moyen d’institutionnaliser les efforts des deux voisins sur ces fronts stratégiques.
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