Le Danemark face à ses démons : Covid, #Metoo et visons “zombies”

Le Danemark face à ses démons : Covid, #Metoo et visons “zombies”

mardi, 15 décembre, 2020 à 12:38

Par Houcine MAIMOUNI.

Copenhague – Au Danemark, l’année qui s’achève n’aura assurément pas fait dans la dentelle. De bout en bout, elle fut émaillée d’une succession d’épreuves. Entamée dans la pandémie du Covid-19, elle a enchaîné par une vague tardive de #Metoo pour terminer la course avec des carcasses de visons remontant à la surface sous l’effet des gaz de putréfaction.

L’on retiendra pour longtemps l’image pathétique de la Première ministre, Mette Frederiksen, en larmes et la voix hachurée, réitérant fin novembre ses excuses aux éleveurs de visons pour avoir ordonné, sans base légale, l’abattage massif d’un cheptel estimé entre 15 à 17 millions de mammifères.

A n’en pas douter, s’il y a eu autant de larmes, autant d’émotions, c’est que l’heure est grave. Au point de provoquer un mini-remaniement ministériel après la démission de l’ancien ministre de l’Agriculture dans le sillage de fortes pressions en raison de sa gestion controversée de l’abattage des visons.

En effet, le Danemark s’est retrouvé englué dans un engrenage juridico-politique sans précédent, exacerbé par les difficultés des éleveurs et des doutes des scientifiques. Tout au long de cette épreuve, la plus difficile pour le gouvernement minoritaire social-démocrate au pouvoir depuis juin 2019, la presse locale a fait ses choux gras du “scandale des visons”.

Au risque d’occulter la deuxième vague du Covid-19, les Danois ont été servis à satiété par des photos et images insoutenables donnant à voir, tantôt des milliers de visons euthanasiés charriés dans des remorques vers des fosses communes, tantôt des entrailles de ces pauvres mammifères jonchant les ruelles de sept municipalités, placées sous cloche.

Les autorités ont depuis levé les mesures drastiques imposées aux 280 mille habitants de ces municipalités, où une mutation du coronavirus de l’animal à l’homme a été diagnostiquée chez 12 cas. Mais, les négociations piétinent toujours sur le remboursement des éleveurs, la colère gronde et la polémique ne cesse d’enfler.

Pas moins de 500 agriculteurs et éleveurs de visons ont manifesté, le 21 novembre, en tracteurs dans Copenhague, et pas moins de 400 autres ont sillonné les rues d’Aarhus, deuxième ville du pays, pour protester contre la décision d’abattre des millions de ces bêtes.

C’est dire l’impact sur un des fleurons de l’industrie de la fourrure qui, naguère, faisait du Danemark le premier exportateur de ces produits de luxe (40% de la production mondiale).

Outre le démantèlement de 1139 fermes assurant 6000 emplois, c’est toute une tradition qui risque de péricliter, même si le gouvernement a laissé entrevoir une porte de sortie pour la poursuite de l’élevage, en proposant de sauver de la mort quelque 56 000 visons reproducteurs.

Une sortie “irréaliste”, selon l’Association des éleveurs, qui assure ne pas croire “à une espèce d’Arche de Noé avec quelques milliers de visons à bord. On ne sauvera pas ainsi notre branche basée sur 2,5 millions de mammifères reproducteurs et sur une grande organisation super-structurée avec ses ventes aux enchères au monde entier”.

Dans la foulée, Kopenhagen Fur (fondée en 1930), la première maison de vente aux enchères de fourrures au monde (300 employés), a annoncé qu’elle allait fermer ses portes, à cause d’une décision contestée par la communauté même des scientifiques puisque aucune étude n’a confirmé la dangerosité de la transmission tant redoutée aux humains de la souche mutée du coronavirus.

Or, contrairement à d’autres pays ayant pu respirer durant la période estivale après une chute des infections au nouveau coronavirus, le Danemark s’est retrouvé rattrapé au cœur d’une déferlante inouïe de témoignages de sexisme, d’abus et de harcèlement sexuels qui traversent tout le corps social.

Épargné par la première vague du mouvement social féminin #Metoo de 2017, le pays nordique, considéré jusqu’à naguère comme “l’un des pays les moins féministes du monde développé”, a dû faire face à une bien triste réalité.

Tout a commencé, fin août, lorsque Sophie Linde, une animatrice vedette de 31 ans, a surpris le public d’un gala télévisé en racontant comment un haut responsable de la télévision publique lui avait proposé, douze ans plus tôt, de favoriser sa carrière contre une faveur sexuelle.

Entre choc et incrédulité, remise en cause et déni, les murmures sont devenus brouhaha. Les verrous commencent à sauter, les langues se délient, l’omerta est brisée. Prise à partie au départ pour son audace, la jeune journaliste à l’origine du mouvement a reçu l’appui de ses collègues.

Des médias à la médecine, en passant par la politique et le milieu universitaire, presque aucun métier n’est épargné par le sexisme, avec à la clé une avalanche d’histoires qui se succèdent et ne se ressemblent pas.

Le débat relancé, c’est une boule de neige qui grandit dans un pays qui jouit d’une image extérieure d’être un paradis de l’égalité des sexes. Les témoignages de sexisme, relayés et amplifiés par les médias, ont particulièrement écorné l’image des hommes politiques.

Le dernier en date à en payer les frais est le dirigeant du parti Radikale, Morten Østergaard, forcé à démissionner après avoir reconnu des attouchements et un cas de viol contre trois femmes de son parti. Sa fin de mandat de six ans à la tête du parti de centre-gauche, un allié influent des Sociaux-démocrates au pouvoir, reflète l’ampleur et l’élan du débat sur le sexisme et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Les témoignages à charge n’ont pas épargné le ministre des Affaires étrangères, Jeppe Kofod, qui a reconnu une relation sexuelle avec une adolescente de 15 ans, en 2008, au moment où il était député au Parlement danois et porte-parole des Sociaux-démocrates pour les affaires étrangères.

Cet épisode, quoiqu’il ait légèrement écorné l’image du pays, a néanmoins réuni les principales personnalités politiques autour de l’importance de prendre des mesures pour que “plus jamais ça ne se reproduise”.

Il est vrai que la vague #Metoo a mis momentanément en sourdine les critiques de la gestion de la première vague du Covid-19, l’opposition reprochant au gouvernement d’être allé vite en besogne, en ordonnant le confinement du pays dès mi-mars ; une décision pourtant hautement saluée au Danemark et au-delà.

Neuf mois plus tard, le Danemark, pays de 5,8 millions d’habitants, s’achemine inexorablement vers 900 décès liés à la pandémie, qui se propage de manière inquiétante dans la région de Copenhague et particulièrement auprès des jeunes de 15 à 25 ans.

Par doses homéopathiques, des mesures drastiques ont été prises et digérées, d’autres sont dans le pipe, au moment où le pays attend, la main sur le cœur, le début de la campagne de vaccination contre le Covid-19.

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