Ambiance délétère à Washington sur fond de tensions larvées entre Trump et le Congrès
Par Omar ACHY
Washington – La récente succession de salves de Tweets rageurs du président américain, Donald Trump, un usager avide de ce réseau, en dit long sur le moral du Locataire de la Maison Blanche. Elle renseigne aussi sur l’ambiance politique délétère qui prévaut actuellement à Washington.
La relation particulièrement conflictuelle de Trump, depuis le début de son mandat, avec les Démocrates, majoritaire au Congrès, vient d’atteindre un nouveau pic avec l’éclatement de ce qui est désormais connu sous le nom de “l’affaire ukrainienne”.
Tout a commencé lorsqu’un mystérieux lanceur d’alerte a révélé que M. Trump a fait pression sur l’Ukraine pour mener une enquête sur Joe Biden, ancien vice-président de Barack Obama, et probable rival de Trump durant la présidentielle de 2020.
La Maison Blanche a publié un compte-rendu de la conversation datant du 25 juillet dans laquelle le président américain demandait une “faveur” et mentionnait M. Biden et son fils.
Dans sa plainte rendue publique, le dénonciateur, membre de la communauté du renseignement américain, a affirmé que le Locataire de la Maison Blanche avait transgressé les lois électorales en demandant l’assistance d’un pays étranger pour dénicher des informations compromettantes sur son adversaire politique en prévision des prochaines élections, avec la complicité de l’avocat personnel du président Rudy Giuliani et du procureur général William Barr.
Jusque là réticente aux pressions de l’aile gauche de son parti à engager une procédure de destitution à la suite de l’enquête sur une autre polémique portant sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, la chef de file des démocrates, Nancy Pelosi est aujourd’hui décidée à franchir le pas.
Et pour cause, les Démocrates du Congrès sont en ordre de bataille. Leurs investigations tous azimuts donnent lieu à une lutte acharnée entre les organes exécutif et législatif.
Au fur et à mesure que les investigations s’élargissent, elles touchent un large éventail de hauts fonctionnaires, aussi bien de la Maison Blanche, du département d’Etat que du ministère de la justice.
Des injonctions à comparaître ont été ainsi adressées au chef de la diplomatique Mike Pompeo qui fait partie des personnes ayant écouté l’appel, ainsi qu’à Rudy Giuliani, sommé de soumettre des documents liés à ses communications avec l’Ukraine.
“Notre enquête porte sur des allégations crédibles selon lesquelles vous avez agi en tant qu’agent du président dans le but de défendre ses intérêts politiques personnels en abusant du pouvoir du bureau du président”, ont notamment écrit trois chefs de fil du parti démocrate à la Chambre à M. Giuliani.
Les Démocrates reprochent au président américain d’avoir demandé à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors de leur conversation téléphonique, d’enquêter sur Joe Biden, favori des sondages pour l’investiture démocrate.
Dénonçant “une chasse aux sorcières” et un “harcèlement présidentiel” de la part des Démocrates, l’illustration d’un système qui est contre lui, le président américain a affirmé que “cet appel était parfait” tout en concentrant son attention mardi sur le dénonciateur anonyme qui a révélé l’affaire.
M. Trump a demandé pourquoi il n’était pas “autorisé à interroger” cette personne, un jour après avoir déclaré que la Maison Blanche essayait d’identifier le dénonciateur, un membre des services de renseignement américains, malgré les directives en matière de protection de la confidentialité.
Une autre polémique est venue néanmoins compromettre davantage Donald Trump. Dans sa livraison du 30 septembre, le New York Times révèle en effet que le président américain a fait appel au Premier ministre australien, Scott Morrison, pour l’aider à collecter des informations pour discréditer l’enquête russe diligentée par l’ancien procureur spécial Robert Mueller.
Jusqu’à présent, les élus républicains font bloc derrière le président, ce qui donne peu de chance à ce qu’une procédure de destitution à son encontre puisse aboutir.
Pour les analystes, la révélation de ces affaires ainsi que la démarche engagée par les démocrates ne manqueront pas de peser sur la campagne en vue de la prochaine présidentielle.
Pour les deux camps néanmoins, les répercussions de ces soubresauts médico-judiciaires restent encore difficile à prévoir.
Durant les cinquante dernières années, la vie politique américaine a vécu deux tentatives sérieuses pour destituer et révoquer un président en exercice.
La première, qui s’est terminée en 1974, a entraîné la démission du président Richard Nixon. La seconde, qui a débuté en 1998 contre le président Bill Clinton, a entraîné la démission de l’homme qui avait orchestré cette campagne, le président de la Chambre, Newt Gingrich.
“Nous avons entamé aujourd’hui la phase initiale d’une troisième tentative de destitution, dirigée cette fois contre le président Donald Trump. Cela mènera-t-il au triomphe ou au désastre des Démocrates? Cela mènera-t-il à la fin de la présidence de M. Trump ou ouvrira-t-il la voie à sa réélection? Nous ne savons pas. Mais l’histoire nous donne des indices sur ce qu’il faut surveiller pendant ce processus”, note Bill Galston, analyste de la prestigieuse Brookings Institution de Washington.
Premièrement, la perception du président par le peuple américain, au fur et à mesure, que l’enquête progresse, est d’une grande importance, souligne-t-il.
Le deuxième indicateur clé, selon l’expert, est l’appui du public à l’action de destitution en soi, alors que le troisième indicateur tout aussi décisif est l’ampleur du soutien bi-partisan à la destitution au niveau du Congrès.
Actuellement, la Chambre des représentants est radicalement divisée selon l’appartenance politique. Plus de 90% des démocrates de la Chambre ont manifesté leur soutien à une enquête alors qu’à ce jour, aucun républicain n’a fait part de son appui.
D’aucuns estiment que le déclenchement d’une procédure de destitution est une arme à double tranchant à l’approche d’une campagne électorale qui s’annonce comme une rude bataille dans une Amérique divisée.
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