L’endettement en Tunisie, la spirale infernale

L’endettement en Tunisie, la spirale infernale

mardi, 27 avril, 2021 à 12:47

Tunis – De 40,7% du PIB en 2010, la dette publique tunisienne a observé en 10 ans une véritable explosion pour atteindre actuellement presque 100% du PIB si on inclut les dettes des entreprises publiques.

Le pays se trouve pris dans une spirale infernale, puisqu’il est obligé chaque année de s’endetter encore plus pour pouvoir continuer à servir les salaires, à boucler son budget et à payer ses dettes.

A l’évidence, dans leur quête d’acheter la paix sociale, à tout prix, les pouvoirs ont misé sur l’endettement et les embauches massifs dans l’administration publique, portant de 435.000 à 800.000 le nombre de fonctionnaires (soit 72 fonctionnaires pour 1.000 habitants) et doublant ainsi la dette publique (40,7 % du PIB en 2010, contre 84,5 % en 2020).

Aujourd’hui, avec la crise aiguë des finances publiques, la Tunisie se trouve au milieu du gué.

Pour un pays qui souffre d’une crise sans précédent de ses finances publiques, le recours à l’endettement est devenu inévitable. La seule voie possible pour desserrer des contraintes conjoncturelles, non pour créer de la valeur ou promouvoir l’investissement, pour combler le déficit abyssal des entreprises publiques en mal de gouvernance, servir les salaires des fonctionnaires et non pour engager des réformes structurelles à même d’arrêter l’hémorragie et faire sortir le pays de ce cercle vicieux.

Manifestement, la dette publique, vrai fardeau asphyxiant, devrait dépasser le seuil de 90% du PIB en 2021 et les ressources d’emprunt extérieur sont estimées à plus de 13 milliards de dinars (1 euro = 3,28 dinars).

En cas d’échec des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) sur un nouveau programme d’appui à l’économie tunisienne, préviennent de nombreux analystes, la Tunisie pourrait courir un risque de solvabilité.

En effet, les chiffres donnent le tournis. L’encours de la dette publique de la Tunisie a atteint un niveau record de 92,8 milliards de dinars au terme de l’année 2020, contre 83,3 milliards de dinars en 2019 (+11,3%).

Entre 2016 et 2020, l’encours de la dette publique a augmenté de 36,8 milliards de dinars, soit une aggravation de 66%. Sur la même période, la dette intérieure s’est aggravée de 62% tandis que la dette extérieure a progressé de 68%.

A fin décembre dernier, la dette publique de la Tunisie représente désormais 83,5% du PIB du pays contre 73,2% en 2019, et est répartie à hauteur de 34% de dette intérieure (31,6 milliards de dinars) et de 66% de dette extérieure (61,2 milliards de dinars).

Bien plus grave, l’Etat devra s’acquitter, cette année, de 8,3 milliards de dinars de dettes extérieures, intérêt et principal. Un record historique dans la mesure où la moyenne des remboursements de dettes extérieures des cinq dernières années n’est que de 4,8 milliards de dinars.

En même temps, la charge de la dette extérieure n’a cessé de s’alourdir durant la dernière décennie passant de 2 milliards de dinars en 2010 à 6,8 milliards en 2019.

De la sorte, la charge de la dette par rapport au PIB est passée de 5,7% en 2010 à 10 % en 2020 et 12,6% prévus pour 2021.

S’agissant du service de la dette extérieure, son montant représente près de 16% des recettes courantes en 2020 contre environ 9% en 2010.

Pour la Banque Centrale de Tunisie (BCT), il n’est pas exclu que ce ratio atteigne 20% en 2021.

Les perspectives d’avenir ne sont pas non plus optimistes. L’on estime que 2020-2025 sera une période de fortes turbulences sur les finances externes de la Tunisie : au taux de change actuel du dinar vis-à-vis des principales monnaies internationales, un montant annuel moyen de 10 milliards de dinars devra être remboursé aux créanciers, soit le triple de la moyenne de la période 2011-2015.

Les années 2021 et 2024 seront assez contraignantes avec respectivement plus de 11 et 10,7 milliards de dinars de service de la dette à rembourser.

M. Abdelhamid Triki, ancien ministre du développement et de la coopération souligne que la mobilisation de ressources auprès des bailleurs de fonds multilatéraux sera très limitée compte tenu du niveau élevé d’engagement atteint et que le recours au marché financier international à des conditions favorables sera difficile après les dégradations successives de la notation du risque souverain de la Tunisie (sept fois depuis 2011).

L’ancien ministre estime que si la croissance de la dette se poursuit dans les conditions actuelles, la dette sera explosive, ce qui se traduirait à terme par un défaut de paiement.

Pour lui, “le recours à des expédients a atteint ses limites. Plus que jamais la Tunisie doit s’engager dans un large processus de réformes pour traiter en profondeur les distorsions, libérer les énergies et s’insérer davantage dans la chaîne des valeurs mondiale”.

Manifestement, le couac réside dans la gestion quelque peu cacophonique des entreprises publiques, dont certaines avaient été des fleurons de l’économie du pays.

En effet, 14 des 30 plus importantes entreprises publiques sont aujourd’hui techniquement insolvables, présentant un capital négatif. Résultat : chaque année, leur renflouement par le budget de l’Etat coûte entre 7 % et 8 % du PIB, dont 40 % sous forme de subventions en faveur notamment de la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz, de la la Société Tunisienne des Industries de Raffinage et de l’Office des céréales.

Là où le bât blesse réside dans le fait qu’une part importante part de la dette des entreprises publiques envers les banques nationales et les prêteurs internationaux multilatéraux et bilatéraux (estimée à 15 % du PIB à la mi-2020) est couverte par des garanties publiques.

C’est le cas notamment de “Tunisair” et la “Compagnie des phosphates de Gafsa”, deux poids lourds du secteur public tunisien, qui sont au bord du gouffre.

Ces mastodontes sont plombés par les dettes, des effectifs pléthoriques et une gestion défaillante.

Devant cet état de fait, l’économiste et ancien ministre du développement et des finances, Hakim Ben Hamouda, suggère un “diagnostic approfondi” de ces entreprises, dont certaines n’ont pas publié de comptes depuis plusieurs années, et instaurer “un état d’urgence économique” pour mettre en place des réformes.

D’une manière générale, pour que le pays sorte de ce maelström, économistes, experts et bailleurs de fonds sont unanimes sur la voie à suivre, qui n’est autre que celle de la réforme et de la restructuration.

Les principaux bailleurs de fonds internationaux de la Tunisie, à savoir la Banque Mondiale et le FMI ont établi le même diagnostic en conditionnant leur appui au pays par la mise en œuvre de réformes qui peuvent paraître douloureuses mais inévitables

Les recommandations du conseil d’administration du FMI du 26 février dernier ont été claires, soulignant que la dette publique de la Tunisie deviendrait insoutenable à moins que ne soit adopté un programme de réforme solide, crédible et bénéficiant d’un véritable consensus national.

Restructurer, insistent la majorité des experts, mais aussi avoir une vision claire et engager les réformes nécessaires et permettre au pays de retrouver la notion de productivité, car sans croissance rien ne pourrait se faire.

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