Le pèlerinage dans les récits de voyage marocains mis en lumière par le chercheur Noureddine Belkoudri

Le pèlerinage dans les récits de voyage marocains mis en lumière par le chercheur Noureddine Belkoudri

jeudi, 13 juin, 2024 à 11:33

— Propos recueillis par par Abdelatif ABILKASSEM —

La Mecque – Les Marocains ont depuis longtemps l’habitude de documenter leurs voyages à travers le monde, en particulier ceux dédiés au pèlerinage.

Dans cet entretien accordé à la MAP, Noureddine Belkoudri, membre de l’Association marocaine des chercheurs en voyage et lauréat du prix Ibn Battouta de littérature de voyage en 2024, répond à cinq questions concernant la particularité du voyage de pèlerinage, l’expérience marocaine dans ce domaine et l’état actuel de la recherche en la matière.

1. Les écrivains et voyageurs ont documenté leurs voyages à travers le monde de diverses manières. Quelle est, selon vous, la particularité de documenter un voyage de pèlerinage dans un livre ?

Le voyage de pèlerinage a ses spécificités en raison de l’expérience unique du pèlerin, car pas tous les gens qui accomplissent le pèlerinage documentent leur voyage. L’écriture sur le pèlerinage est accessible à l’écrivain et à l’érudit entre autres, en fonction de leur désir personnel de consigner leurs observations, émotions, itinéraires et les événements vécus lors de ce voyage exceptionnel vers un lieu sacré et spirituellement important pour les musulmans.

En consignant cette expérience spirituelle, le lecteur peut découvrir la vision personnelle du pèlerin voyageur, connaître les itinéraires et les rituels, surtout dans les textes de voyage anciens, et s’enquérir des changements émotionnels et spirituels vécus par le pèlerin lors de l’accomplissement des rites.

Ainsi, le voyage peut être unique mais l’écriture est multiple. Les moyens de transport et les conditions de séjour ont évolué au fil du temps. Cela se reflète dans les textes du voyage de pèlerinage, marqués par l’esprit de leur temps et les particularités de l’époque à laquelle ils ont été écrits. Chaque récit de pèlerinage est donc porteur de nouveautés liées à la personnalité du pèlerin, aux circonstances de l’époque ou à la manière dont le pèlerin présente sa propre expérience unique du pèlerinage.

2. La bibliothèque nationale est riche de nombreuses œuvres écrites par des voyageurs, diplomates et écrivains marocains sur leurs voyages de pèlerinage anciens et récents. Quels sont, selon vous, les textes les plus importants et leurs principales caractéristiques ?

En effet, la bibliothèque marocaine et arabe regorge de dizaines de textes de voyage sur le pèlerinage, écrits au fil des siècles par des écrivains et des érudits en particulier. Il est difficile de citer les noms de toutes les œuvres et de tous les auteurs, mais on peut mentionner des voyages remarquables comme ceux d’Ibrahim Soussi Al Aïni, d’Ibn Abi Asriya, d’Ahmad Al Fassi Fihri, d’Ibn Battouta, d’Ibn Jubaïr, d’Al Ayachi, d’Al Abdari, d’Ibn Jafar Kettani et d’Ibn Rachid Sebti, parmi tant d’autres.

L’écriture des récits de pèlerinage s’est poursuivie jusqu’à nos jours, avec des œuvres contemporaines telles que “Voyage de pèlerinage” de l’anthropologue Abdellah Hammoudi, “Voyage au pays de Dieu” de l’écrivain Ahmed Madini, “Mon journal du Hijaz” de l’ingénieur Abdenacer Mabchour et “Rawa’ou Makka” de l’écrivain Hassan Aourid.

3. Quelles sont, selon vous, les caractéristiques de ces œuvres ?

On peut dire que ceux qui ont entrepris le pèlerinage à des époques anciennes ont vécu une expérience spirituelle unique, qui n’est pas accessible à tous. Parmi eux, ceux qui alliaient le religieux et le littéraire ont souvent rédigé leurs récits après leur retour, en réponse aux nombreuses questions de leurs proches sur les péripéties du voyage, les coutumes, la civilisation et la culture rencontrées. Cette tradition orale a été transposée à l’écrit pour préserver et documenter cette expérience unique, souvent vécue une seule fois dans la vie.

Ces récits de pèlerinage sont variés en fonction des intérêts du pèlerin, qu’il soit érudit, commerçant, diplomate ou écrivain, permettant ainsi au lecteur de déceler des références en matière de jurisprudence, de poésie, de fatwas, d’histoire, etc. Cela souligne l’identité du pèlerin voyageur et son domaine d’intérêt.

Ces voyages ont également joué un rôle majeur dans l’échange d’idées, de connaissances et la communication entre le Maghreb et le Machrek, renforçant les liens fraternels entre les peuples musulmans, ce qui a contribué à la formation d’identités mêlées et à la découverte de nouvelles ethnies.

4. Les observateurs des publications récentes notent une rareté des récits de pèlerinage par rapport aux textes anciens. À quoi attribuez-vous cela et quelles sont vos suggestions pour promouvoir ce genre de textes ?

Il y a effectivement une baisse notable des récits de pèlerinage à notre époque par rapport aux périodes antérieures, en raison principalement des progrès de la vie moderne. Plus la vie devient confortable, moins il y a de récits, car le voyage aujourd’hui n’est plus l’aventure périlleuse d’autrefois. Aux temps anciens, l’aventure et le suspense étaient l’une des caractéristiques du voyage de pèlerinage. Autrefois, le voyage était une aventure à raconter, alors qu’aujourd’hui, la technologie permet de vivre les rites et l’atmosphère du pèlerinage en direct, ce qui a réduit le besoin de consigner ces expériences.

Cependant, tant que le pèlerinage existera, l’écriture à son sujet ne cessera pas. Pour maintenir l’intérêt pour les récits de pèlerinage, je propose d’intégrer l’étude des récits de voyage dans les programmes éducatifs à tous les niveaux, d’organiser des concours au profit des pèlerins pour le meilleur récit de pèlerinage, de faire connaître les pionniers des récits de pèlerinage et leurs œuvres et de réaliser des documentaires sur eux pour encourager les pèlerins à partager et écrire sur leurs expériences.

5. Quelle est la situation de la recherche académique sur les récits de pèlerinage en termes d’études, d’analyse et de traduction ?

Toute œuvre littéraire, quel que soit son genre, a besoin d’être accompagnée par des études critiques et des recherches scientifiques pour évoluer et ne pas sombrer dans l’oubli. Le récit de pèlerinage, qu’il soit marocain ou arabe, bénéficie de l’attention des chercheurs et critiques marocains. Cela se reflète dans les études et les thèses réalisées annuellement dans les universités marocaines et la présence marocaine sur la liste des lauréats du prix Ibn Battouta de littérature de voyage.

Les laboratoires scientifiques des universités marocaines jouent un rôle important dans la promotion des récits de pèlerinage à travers leurs publications afin que le récit de pèlerinage soit présent dans les projets de recherche et dans les colloques scientifiques. A cela s’ajoute le rôle que joue l’Association marocaine des chercheurs en voyage à travers l’organisation de rencontres, de colloques et la publication d’études, de textes et de traductions dans ce domaine.

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