A Copenhague, Leila Slimani dissèque le rapport intimité et écriture

A Copenhague, Leila Slimani dissèque le rapport intimité et écriture

vendredi, 9 novembre, 2018 à 13:51

.-(Par Houcine MAIMOUNI)-.

 

Copenhague – L’écrivaine franco-marocaine Leila Slimani a livré, jeudi soir à la prestigieuse Bibliothèque royale de Copenhague, une saisissante prestation sur le rapport entre intimité et écriture, le corps féminin en particulier étant pris en tenailles entre archaïsme et épanouissement.

“Sans intimité, point d’écriture. Comment peut-on écrire si on ne dispose pas d’un tiroir propre, d’un jardin secret où livrer ses pensées et ses impressions les plus intimes?”, a lancé d’emblée la romancière, à l’adresse d’une salle archi-comble.

Lors d’un échange d’une heure et demi, modéré avec beaucoup de tact et de maestria par Tore Leifer, lui-même écrivain, essayiste et journaliste de la radio nationale danoise DR, Mme Slimani a rappelé comment sa couverture du “Printemps arabe” en Tunisie lui a permis de prendre le pouls d’une société maghrébine en perte de vitesse.

“Dans ces contrées, bien avant le mouvement #MeToo, on sentait dans sa chair et son os, mais surtout dans son âme la loi de l’omerta : You shut up !”, dira-t-elle lors de cet échange mené de bout en bout dans un anglais impeccable.

Selon elle, lorsque l’individu s’affirme avec le pronom personnel “Je” (à fortiori une femme), ne serait-ce que pour dénoncer une violation ou un viol, il assume sa subjectivité, il devient sujet et par conséquent un acteur.

Or, reprend-elle, lorsqu’on prétend au titre d’écrivain, on tisse constamment des liens profonds d’affection et d’intimité avec un lecteur invisible, dans une relation très singulière qui lui permet de se reconnaître dans une situation, un récit, un passage, une description…Bref, il est romancé !

Vu sous ce prisme, “on écrit pour dire à ce lecteur invisible qu’il n’est pas seul, pour le soutenir dans sa lutte contre la solitude et les angoisses primitives d’abandon, mais aussi pour défendre l’universalité des droits de l’Homme, en tant que tout et indivisible”.

Car, poursuit-elle, il n’y a pas plus mortifères que les particularismes et les barrières injustement appelés “culturels”, alors même que la culture n’est qu’un construit façonné, au quotidien, par des rapports de classes et des mutations profondes qui traversent le corps social.

Rappelant au passage une interview avec le sociologue Abdessamad Dialmy, elle explique comment la société marocaine est devenue nettement en déphasage avec des “normes héritées” et une réalité en mouvement, très différente.

D’où un hiatus qui, créant une énorme ambiguïté de repères, favorise le retour en force des défenseurs d’une certaine “moralité normale”, au moment où la Déclaration universelle des Droits de l’Homme stipule le droit de l’être humain à disposer de son corps, dira l’auteure de “Sexe et mensonges : la vie sexuelle au Maroc” (2017).

“A Rabat où je suis née et où j’ai vécue avant de me rendre à Paris, il y a 15 ans, mes parents m’ont appris le droit de garder un lieu secret”, se rappelle encore la dame au visage toujours juvénile, aux yeux noisettes et à la chevelure éperdument lâchée aux vents.

En novembre 2017, le président français Emmanuel Macron la nomme représentante personnelle pour la francophonie, et elle siège désormais au Conseil permanent de la francophonie au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

A ce titre justement, elle a affirmé qu’un Congrès des écrivains francophones aura lieu dans deux ans en Tunisie, avec le double espoir de donner un coup de jeune à l’OIF et de favoriser l’édition au-delà de l’Hexagone.

Curieusement, Mme Slimani (37 ans) a assuré que, sans gadgets électroniques, “mon enfant lit toujours, ne serait-ce que parce qu’il me voit lire tout le temps. Toute petite, je me revois lire les livres de mon père : Etait-ce ma manière de séduire ce personnage trop sérieux ?”

Peut-être vrai, mais au Danemark ? Tout compte fait, cette soirée littéraire a été clôturée par la lecture en danois de la première page du roman “Chanson douce”, livrée par le modérateur de la séance.

La version française n’a été l’œuvre que de l’auteure, elle-même, Leila Slimani, Prix Goncourt 2016.

“Chanson douce”, est un roman dédié à son fils Emile et débute par ces mots terribles : “Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’a pas souffert”.

 

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