La tunisienne Dorsaf Hamdani chante le dual inédit Barbara et Fairouz, un moment musical rare

Par Khalid EL HARRAK

Rabat – Avec le dual inédit Barbara et Fairouz, c’est un sans fausse note que la chanteuse tunisienne Dorsaf Hamdani a livré à son public vendredi soir au théâtre Mohammed V à Rabat, à l’avant dernière journée de la 14ème édition du festival Mawazine, Rythmes du monde.

Le programme du concert reprend six chansons de Barbara et six de Fairouz magistralement ré-agencées par le directeur musical et accordéoniste Daniel Mille. Dorsaf réunit ainsi deux grandes divas de cultures et de tonalités différentes, séparées par un bras de Méditerranée, avec une interprétation baignée de gravité et d’une indicible mélancolie.

Reconnue comme l’une des plus grandes voix de Tunisie, Dorsaf Hamdani a exploré avec succès l’héritage des deux chanteuses et offert une interprétation réussie des répertoires de “la Grande dame brune” et de “la Voisine de la lune”: deux univers dissemblables mais profondément complémentaires qui ont donné lieu à un concert inoubliable.

Dès la montée sur scène de la chanteuse et de son groupe, c’est un moment musical rare qui s’annonce. Le public est emporté par le chatoiement raffiné des instruments et surtout de la voix de Dorsaf, abasourdi par la beauté des chants orientaux et français louant le romantisme de l’Orient et les vertus de l’hédonisme et de l’ivresse de l’Occident.

De chanson en chanson, l’artiste revisite les grands titres de Barbara et Fairouz avec justesse, originalité, talent et passion. Entre “La solitude”, “Atini Nay Wa Ghanni”, “Gare de Lyon”, “Al Qods”, ou “Nantes” et “Al bint al shalabiya”, la chanteuse a brillamment réussi à construire un pont artistique entre les deux rives de la Méditerranée et à réunir ces deux grandes aînées si lointaines et, quand même, si proches l’une de l’autre.

Et c’est avec brio que Dorsaf Hamdani à trouver une forme d’équilibre entre liberté et rigueur exigée par les chansons originales de ces deux grands de la chanson, tout court, et qu’elle rend ainsi un juste hommage à Barbara et Fairouz réunies dans cette magistrale interprétation. “J’avais envie qu’elles se parlent l’une à l’autre”, dit-elle.

Le public, essentiellement féminin, a repris en chœur tous les tubes interprétés à la fois en français et en arabe sur des adaptations de la chanteuse qui fêtait son anniversaire sur scène. Ses fans n’ont pas manqué de lui souhaiter joyeux anniversaire avec des applaudissements nourris et des youyous de joie.

Accompagnée de Daniel Mille (accordéon), Lucien Zerrad (guitare, oud), Zied Zouari (violon, oud) et de Yousef Zayed (percussions), la voix cristalline et envoutante de Dorsaf Hamdani aux intonations proches de celles de Barbara et de Fairouz, a réussi à emmener le public aux pays des émotions, grâce aux textes éternels reflétant l’âme de la France d’autrefois et les musiques intemporelles du répertoire de la “dolce vita” libanaise.

Et cerise sur le gâteau, la chanteuse offre à son public un superbe cadeau, “Taht el yasmina fellil”, du grand chanteur tunisien El Hadey El Jouini. La voix merveilleuse de cette chanteuse à grand charme a enchanté le public. Une très belle découverte que le festival Mawazine a offert aux mélomanes.

Fille d’un violoniste, Hamdani rejoint le Conservatoire national de musique de Tunis en 1985, lui permettant de se produire avec différents orchestres du malouf tunisien. En 1994, elle entame ses études supérieures, décrochant ainsi une maîtrise de musicologie en 1998. Pendant ses années d’études, elle participe à des tournées avec La Rachidia. Deux années plus tard, elle obtient à la Sorbonne un master de musique et musicologie.

Après avoir participé à différentes créations transculturelles, notamment “Ivresses” basée sur les quatrains d’Omar Khayyam, et rendu hommage à Fairouz, Oum Kalsoum et Asmahan avec le spectacle et le disque “Princesses du chant arabe”, la chanteuse tunisienne fait partie intégrante d’une génération de chanteuses du Maghreb qui fascine par le contraste entre leur attachement aux traditions musicales liées au classicisme artistique, et leur modernité.