Mali: Le Sélifitini fait de l’ombre à la campagne présidentielle

Par Taoufik El Bouchtaoui

Bamako – La campagne pour le second tour de la présidentielle de dimanche au Mali s’est achevée vendredi, dans une ambiance terne et sans réel engouement populaire, les Maliens étant pleinement investis dans la célébration de la fête de l’Aid Al Fitr, communément appelé Sélifitini, un évènement profondément ancré dans les traditions et accueilli chaleureusement chaque année dans un climat d’euphorie, de communion et de conciliation.

A l’instar de la communauté musulmane, les Maliens ont ainsi fêté le Sélifitini, dans une ambiance de joie et de profond respect pour leurs us et coutumes, tout en affichant, sur fond de solidarité, leur fort attachement au resserrement des liens sociaux dans la liesse des retrouvailles chaleureuses autour des fameuses opérations tontine d’entraide et des rituelles de salutations traditionnelles dites Sambé-Sambé.

Généralement instituée au sein d’une association ou d’un regroupement d’hommes ou de femmes, la tontine rassemble en effet des personnes de la même famille, du même secteur d’activité, ou du même quartier, moyennant une cotisation régulière dont la somme total servira à des actions de solidarité et d’entraide concrétisées souvent par le sacrifice de boeufs dont la viande sera partagée dans la joie et l’allégresse le jour de la fête, explique-t-on.

En raison de la hausse du prix de la viande dans les marchés, plusieurs chefs de familles recourent à cette pratique, largement appréciée par la population, pour avoir de la viande de manière suffisante en perspective du jour de l’Aid, synonyme de retrouvailles et de rencontres autour de festins, après un mois de jeûne et d’abstinence, confie Omar, père de deux enfants.

Selon Mohamed Macky Bahy, de l’Union des jeunes musulmans du Mali, cette pratique bien ancrée dans les traditions maliennes est d’autant plus louable qu’elle contribue à la consécration des valeurs de partage et d’entraide et renforce les liens de cohésion sociale.

Sur le plan sanitaire, les services vétérinaires maliens ont recommandé aux citoyens d’observer certaines règles de précaution lors du sacrifice des boeufs, afin d’éviter la propagation de certaines maladies.

Dans le district de Bamako, des équipes de vétérinaires ont été mobilisées le jour de l’Aid pour le contrôle des boeufs au niveau des abattoirs et à travers les quartiers, afin de préserver la santé des citoyens, selon le directeur national des services vétérinaires, Abdel Kader Diarra.

Moment privilégié de retrouvailles, Sélifitini (petite fête) est étroitement lié au Mali à la tradition du Sambè-Sambè (littéralement une année de plus jusqu’à la prochaine fête) qui consiste à aller, après l’accomplissement de la prière de l’Aid, saluer ses voisins, ses parents, ses amis pour leur souhaiter bonne fête et resserrer les liens sociaux.

Le Sélifitini, “c’est la solidarité et l’entraide. C’est le retour aux sources. C’est aussi une fête pour les enfants, qui sont tous contents de rendre visite aux proches”, a souligné le père d’une famille.

Dès les premières heures du jour de la fête, les enfants, garçons et filles, font une tournée de porte-à-porte en récitant devant chaque maison une bénédiction en langue bambara.

Cette année, nous célébrons l’Aid El Fitr en plein processus électoral qui, lui-même, symbolise l’accomplissement de la double mission de la Transition politique, a souligné le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, dans un message à la nation à la veille de la fête.

“Je prie Allah pour que le second tour de l’élection présidentielle mobilise davantage d’électeurs et qu’il soit une véritable fête de la démocratie, synonyme de maturité du peuple malien”, a-t-il dit, tout en saluant “la générosité et l’altruisme de nos concitoyens qui, tout au long du mois de Ramadan, se sont portés spontanément au-devant des plus modestes d’entre nous”.

Le premier tour de la présidentielle avait fortement mobilisé les Maliens, avec un taux de participation de 48,9 pc, jamais égalé pour ce type de scrutin, signe de leur volonté de tourner la page d’un an et demi de tourmente. Cette sombre période de l’histoire du Mali a débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le nord du pays, suivie le 22 mars 2012 par un coup d’Etat qui a renversé le président élu Amadou Toumani Touré. S’en est suivi la prise de contrôle du Nord par des groupes criminels et des jihadistes avant d’en être chassés en 2013 par une intervention internationale en soutien à l’armée malienne.