A l’ombre de Timezguida Ougard aux abords d’Agadir : dévotion, spiritualité et fragrances d’Histoire

A l’ombre de Timezguida Ougard aux abords d’Agadir : dévotion, spiritualité et fragrances d’Histoire

lundi, 22 juillet, 2013 à 13:23

Par Houcine MAIMOUNI

 

Agadir – Au premier abord, rien ne laisse présager que le petit village d’Agard, juché derrière une forêt touffue d’argan au pied du Haut-Atlas à 12 km seulement au nord-est d’Agadir, abrite une école traditionnelle et une mosquée presque millénaire d’où émanent des fragrances de dévotion, de spiritualité et de fragments d’Histoire.

Cette région, traversée par un important réseau routier le long de la route menant via Azrarag vers la commune de Drarga à l’est, est émaillée d’un chapelet de douars et d’anciennes habitations disposant quasiment toutes d’un lieu de culte ou d’une école coranique.

“Toutes les caravanes provenant du Sahara chargées d’or et d’autres matières précieuses traversaient la région de Mesguina, l’unique passage à travers les montagnes de l’Atlas à côté de Sijilmassa à l’est”, rappelle Houcine Affa, ancien doyen de la faculté de Chariâa d’Aït Melloul, dans une déclaration à la MAP.

M. Affa, originaire de la région, explique que la position géographique de Mesguina, composée des tribus d’Aït Abbas, Aït Takoute et Aït Al Kabt, en a fait une région habitée depuis fort longtemps, comme en témoignent les vestiges des Almoravides qu’illustre toujours Timezguida Ougard, une mosquée entourée d’un impressionnant cimetière sâadien et de deux sépultures curieusement orientée vers le Sud.

Mohamed Bayri, un acteur associatif, soutient, en se basant sur la tradition orale, que cette orientation devrait être perçue en fonction de l’emplacement dévié du mihrab almoravide et qui ne cadre pas avec le mihrab de la mosquée sâadienne, relevant que certains racontent même que les dépouilles étaient inhumées dos au sol et pieds vers qibla, dans l’espoir de ressusciter, le jour du Jugement dernier, dans cette posture.

Faisant peu de cas de cette “interprétation populaire”, M. Affa souligne que ce mihrab est ainsi orienté à l’instar de plusieurs mosquées érigées par les Almoravides dans le sud, du fait que ces derniers s’en tenaient au sens apparent d’une tradition prophétique selon laquelle le Prophète Sidna Mohammed aurait répondu à ses disciples, au moment de la fondation de la mosquée de Médine, que “Entre l’est et l’ouest, il y a qibla”.

De son côté, Haj Abdallah, un des vieux habitants d’Agard, fait observer que le cimetière attenant à cette mosquée représente peu par rapport aux autres cimetières qui s’étendent sur des superficies de plusieurs hectares, du côté droit de la route, tout en déplorant au passage l’abandon et l’oubli auquel ces sites sont soumis ou encore la dégradation qui menace leur cachet historique.

A ce propos précisément, Omar Affa, frère de Houcine et professeur d’histoire à la faculté des lettres de Rabat, écrit que Timezguida Ougard se distingue par ses constructions qui diffèrent des habitations locales, du fait qu’elles sont édifiées selon le style architectural sâadien et que certains tombeaux appelés par la population “Tissâadiyine” portent des ornements, contrairement à d’autres tombes plus modestes, ce qui laisse supposer que ces sépultures sont celles de princes sâadiens.

Le chercheur poursuit que le cimetière attenant à cette mosquée, la plus ancienne et la plus proche du littoral atlantique vers le port d’Agadir, recevait les dépouilles des moudjahidines tombés au champ d’honneur lors des batailles que menaient les Sâadiens contre les Portugais pour la libération du fort d’Agadir (1505/1541).

Il n’en veut pour preuve que le fait que l’immense étendue de ce cimetière est incontestablement disproportionnée par rapport à la population de cette région, sachant que les tribus de Mesguina ne comptaient pas plus d’un millier de foyers (moins de 3000 âmes) à la fin du 19ème siècle.

Abondant dans le même sens, Houcine Affa signale, dans un livre à paraître prochainement sous le titre “Mesguina, la porte du Souss”, que la forteresse des Sâadiens dite “Aglagal” à proximité du village d’Agard et d’où partait l’essentiel des expéditions militaires contre les Portugais qui occupaient le littoral, considérant que ce nombre impressionnant de tombes ne peut s’expliquer que par le nombre élevé des morts tombés dans la guerre contre les Portugais et prosaïquement dans les batailles que se sont livrées ensuite Mohamed Cheikh et son frère Al Aâraj après la prise d’Agadir en 1541.

L’Histoire étant souvent insidieuse et la géographie toujours têtue, c’est dans la région d’Agard justement que Mohamed Cheikh Essâadi allait être assassiné par une nuit, alors qu’il faisait escale à la forteresse d’Aglalgal sur le chemin vers Marrakech, par quatre personnes qui lui avaient prêté allégeance, plus tôt, à Taroudant et qu’il avait rapproché de lui. Les assassins perfides lui ont coupé la tête et se sont enfouis avec le trophée vers Sijilmassa, puis vers Alger d’où ils ont gagné Constantinople, la capitale des Turcs à l’époque.

Depuis, Aglagal est tombée en ruines hormis quelques vestiges et le fort s’est vidé de sa population qui s’est déplacée vers le port d’Agadir. Mais l’école d’Agard n’a pas dérogé, entretemps, à sa mission scientifique puisqu’elle allait continuait à rayonner tout au long de l’époque sâadienne, bien avant la création d’une école similaire au village voisin d’Ighlane au sud-est.

Aujourd’hui, l’intendant de l’école d’Agard, Abdallh Ahmaydou, lui-même lauréat de l’école Ighlane, continue d’assurer avec d’autres enseignants la formation d’au moins une trentaine d’élèves provenant de plusieurs régions du Souss, notamment de Chtouka Aït Baha, Haha, Imintanoute et d’Aoulouz, en leur dispensant un programme alliant authenticité du passé et exigences du présent.

Considérant la place qui sied à Timezgida Ougard dans le c ur et la mémoire des habitants, nombre de bienfaiteurs, mécènes et acteurs associatifs ne cessent de multiplier les initiatives au profit des pensionnaires de cette école, à travers la construction d’habitat digne et d’équipement en matelas et couvertures et autres commodités pour leur permettre de poursuivre leurs études dans des conditions plus convenables.

A une nuance près, précise Khalid Al Ayoud, acteur associatif et professeur d’histoire, “sans minimiser l’importance des opérations engagées, les travaux d’extension en cours ne devraient pas se faire au dépens d’un monument historique de la valeur de Timezguida Ougard, qui devrait être classé patrimoine national du fait qu’il constitue un des derniers lieux dépositaires de la mémoire collective de Mesguina et partant d’Agadir”.

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