Reprise des cérémonies religieuses en France: l’éthique de la responsabilité prime chez les représentants du culte musulman

Reprise des cérémonies religieuses en France: l’éthique de la responsabilité prime chez les représentants du culte musulman

lundi, 25 mai, 2020 à 11:48

Par Idriss TEKKI

Paris – La célébration de la fête de l’Aïd el-fitr marquant la fin du mois sacré du Ramadan est l’un des moments forts pour les musulmans à travers le monde de par sa forte charge spirituelle et sociale. Mais cette année, la pandémie de coronavirus a contraint des millions de fidèles à vivre ces célébrations autrement.

En France, en dépit de la levée progressive du confinement et de l’interdiction dès samedi dernier des cérémonies religieuses, les musulmans de l’hexagone n’ont pas pu se rendre dans les mosquées pour célébrer dans le recueillement et la joie la fin du Ramadan.

En temps normal, la décision la plus judicieuse aurait été une reprise immédiate des prières collectives et des cérémonies religieuses. Toutefois, les responsables en charge du culte musulman dans le pays ont décidé autrement en optant pour repousser cette reprise jusqu’au 3 juin, au moment où les autres cultes, notamment catholique, avaient repris, dès samedi, les offices dans les églises, paroisses et cathédrales.

Craignant pour la santé des fidèles alors que le Covid-19 continue de circuler activement sur le territoire français, l’éthique de la responsabilité privilégiant la préservation de la santé des fidèles a pris le dessus sur tout autre critère.

Le même jour de la publication dans le bulletin officiel du décret levant l’interdiction des rassemblements dans les espace de culte, Mohamed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur des pouvoirs publics en France, a vite réagi à travers un communiqué réitérant l’appel aux mosquées de France à ne pas s’ouvrir aux cérémonies religieuses avant le 3 juin prochain.

M. Moussaoui, qui préside également l’Union des mosquées de France (UMF) prévenait que les autorités médico-scientifiques françaises n’auraient pas encore toutes les données nécessaires afin de pouvoir se prononcer sur l’impact du déconfinement qui a débuté le 11 mai sur la situation sanitaire dans le pays, qui demeure “précaire malgré les améliorations constatées”.

Toutefois, des voix se sont élevées pour critiquer cette décision, surtout que d’autres cultes ont effectivement repris les offices avec du public.

Dans un entretien à la MAP, Huaman Yaakoubi, secrétaire général de l’UMF et membre du bureau exécutif du CFCM, explique le bien-fondé du positionnement du Conseil et revient notamment sur la polémique suscitée après que le gouvernement a accédé à la demande des représentants des cultes catholique et juif, pour fixer la reprise au 29 mai, date coïncidant avec des fêtes chrétiennes et juives.

Cependant, la mosquée de Paris a vu dans cet accord une “discrimination” à l’égard des musulmans qui, eux, ne pourront pas célébrer la fête de l’Aïd el fitr le 24 mai, tandis que son recteur a menacé d’avoir recours à la justice, explique-t-il.

Mais en dépit de la décision du gouvernement, sommé par le conseil d’Etat, d’autoriser la reprise des activités cultuelles à partir du 23 mai, soit un jour avant l’Aïd el-fitr, souligne M. Hauman, le CFCM a décidé à l’unanimité de garder les lieux du culte musulman fermés jusqu’au 03 juin si l’évolution de la pandémie le permet.

Cette décision s’explique notamment par la grande affluence que connaissent les mosquées, à une fréquence de cinq fois par jours et des fréquentations records les vendredis et surtout le jour de l’Aïd.

Le risque zéro n’existant, le Conseil a estimé que “les fidèles encourent plus de risques par le nombre et par la fréquence des prières d’autant plus que l’Île de France est toujours en zone rouge”, relève M. Hauman.

Pour la prière de l’Aïd, il souligne que les conditions nécessaires pour sa célébration n’étaient pas réunies de même que pour les autres prières, les mosquées devant être notamment nettoyées et désinfectées après chaque prière, outre le traçage au sol et des tapis pour faire respecter la distanciation sociale.

Selon M. Hauman, même la date du 3 juin n’est retenue par le CFCM qu’à titre indicatif, compte tenu de la réalité de la circulation du virus, faisant observer que si la reprise est décidée, elle le sera de façon progressive afin de préparer les fidèles pour que tout se passe dans des conditions optimales.

Pour lui, les musulmans de France renoueront avec les mosquées sans crainte pour leur santé, lorsque la pandémie aura cessé. “Quand? Personne ne peut le prédire”, souligne-t-il, rappelant que l’humanité fait face à un ennemi invisible, inodore et incolore, présent partout et nulle part, qui frappe en silence.

“Scientifiquement parlant on n’a pas le recule nécessaire pour anticiper sa fin”, estime M. Hauman, qui prévient que même les régions déclarées zones vertes connaissent encore une circulation active du virus et une résurgence de foyers de contagion un peu partout.

Pour le CFCM, le principe de précaution prévaut, car c’est la vie des musulmans qui est en jeu. “Voilà pourquoi nos mosquées rouvriront leurs porte aux fidèles lorsque tout risque de contagion est écarté et peu importe la date”, insiste-t-il encore.

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