Afrique du Sud : Les divisions politiques refont surface en pleine crise économique
-Par Abdelghani AOUIFIA-
Johannesburg – Au moment où l’Afrique du Sud se bat dans une profonde crise économique, aggravée par la pandémie du Coronavirus, les divisions politiques au sein du Congrès National Africain (ANC, au pouvoir) semblent s’éclater menaçant de repousser les espoirs d’une sortie imminente de l’actuel bourbier.
Dégradée au niveau spéculatif par toutes les agences internationales de Notation, l’économie sud-africaine se positionne sur une trajectoire désormais aux lendemains sombres.
Tous les indices sont au rouge. Le pays est en récession suite à deux trimestres consécutifs de croissance négative à la fin de 2019. Les perspectives futures de croissance n’incitent guère à l’optimisme. Lundi, la Banque centrale du pays a indiqué qu’elle s’attend à une contraction du Produit Intérieur Brut (PIB) allant jusqu’à 4 pc en 2020.
Ces horizons incertains devront pousser le déficit budgétaire à plus de 11 pc du PIB, soit un niveau jamais égalé depuis 1914.
La facture sociale d’une telle situation est hautement périlleuse pour un pays où le chômage affecte environ 30 pc de la population active, selon les chiffres officiels publiés avant l’arrivée de la pandémie du Coronavirus dans le pays.
La pandémie, qui a infecté 1.686 Sud-Africains jusqu’à présent, est venue aggraver la situation du pays. Toutes les activités économiques non-essentielles sont suspendues, le temps d’un confinement total de 21 jours décrété le 27 mars dernier.
La crise menace de s’approfondir en cas de prorogation du confinement. Certains rapports estiment que le gouvernement n’aura de choix que de prolonger ce confinement pour une période allant de 2 à 4 mois.
Lundi, des économistes ont mis en garde que le secteur formel sud-africain risque de perdre jusqu’à 1,6 millions d’emplois, si le confinement est prolongé de seulement deux semaines.
Au milieu de cette situation, le ministre sud-africain des Finances, Tito Mbweni, a brisé le silence, exprimant l’intention de son gouvernement de demander l’aide du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) dans sa quête de sortir de la crise.
Il s’agit d’une possibilité qui s’inscrit en contradiction totale avec l’idéologie de l’ANC.
« Je suis prêt à faire des choix difficiles même si les gens me brûlent sur scène », a dit l’argentier sud-africain dans une récente interview, anticipant la colère de l’aile radicale de l’ANC.
« Il n’y a plus de temps pour l’idéologie. Si ce n’est pas le FMI, donnez-moi l’argent. Je ne peux pas consommer de l’idéologie », a-t-il dit sur un ton de défiance.
La réponse des faucons de l’ANC ne s’est pas faite attendre. Lundi, le secrétaire général de l’ANC, Ace Magashule, a mobilisé le puissant Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu) et le parti communiste, les deux alliés historiques du parti de Nelson Mandela, pour envoyer une lettre au président Cyril Ramaphosa, exprimant un rejet catégorique au recours aux institutions de Bretton Woods.
La lettre s’en est prise en des termes forts au ministre des Finances, soulignant que ses déclarations au sujet d’une demande d’aide du FMI et de la BM illustrent la nécessité d’une approche de communication plus cohérente et plus disciplinée.
« Nous rejetons la proposition (du ministre des Finances », note la lettre.
L’ANC n’a pas laissé filer l’occasion pour réitérer son attachement à ses fondements idéologiques. « Nous réaffirmons la nécessité de sauvegarder la souveraineté nationale démocratique de l’Afrique du Sud, le droit fondamental à l’autodétermination et notre indépendance qui n’est pas négociable même au milieu de la crise », lit-on dans la lettre.
Le nouveau bras entre l’aile radicale de l’ANC et l’administration Ramaphosa représente un nouveau défi pour le président sud-africain. Ce dernier semblait enfin imprimer son leadership en ces temps où l’Afrique du Sud se bat contre la pandémie du Coronavirus outre la crise économique.
Ces nouvelles divisions devront, selon les analystes politiques, compliquer la tâche de l’Afrique du Sud dans le contexte actuel et au-delà dans l’après-Coronavirus.
Au regard de l’état actuel de son économie et les dégâts qui découleront de la pandémie, l’Afrique du Sud devra entrer dans une période de reconstruction totale.
Cette reconstruction ne pourra se faire, estiment les analystes, sans l’aide du système multilatéral que les factions radicales du parti au pouvoir s’entêtent à rejeter sur la base d’un attachement à des dogmes idéologiques qui doivent être sérieusement remis en question pour éviter au pays de s’enfoncer dans le chaos.
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